CINEMA – « Dope » de Rick Famuwiya : comédie sympa et plus si affinités ?

SORTIE – Claire Diao, journaliste spécialisée en cinéma afro et urbain nous parle de « Dope » de Rick Famuwiya, sorti le 4 novembre dans les salles françaises. Plus qu’un hommage au hip-hop des années 90, ce film réussit à aborder des thèmes graves avec légèreté mais n’évite pas quelques clichés.

 Dope est-il un film vraiment original ? 

Les personnages principaux de cette comédie à portée politique, Malcolm, Diggy et Jib – respectivement joués par Shameik Moore, Kiersey Clemons et Tony Revolori – sont des geeks et sortent un peu de l’ordinaire. Le film est plutôt malin et très contemporain dans sa mise en scène ; il joue bien sur les codes actuels du net en introduisant le maniement des réseaux sociaux, le deep web, les bitcoins. Un peu comme Dear White People, en moins caustique, il arrive à atteindre son but, c’est-à-dire nous faire rire sur des sujets compliqués. C’est nécessaire. Le film a été produit par Forest Whitaker et Nina Yang Bongiovi, aux manettes de Fruitvale Station, que j’ai préféré pour son mode de narration.

Que pensez-vous des personnages féminins ?

Ils sont hélas relativement cliché. Lily, la soeur du dealer, jouée par le mannequin Chanel Iman, et Nakia, la copine du chef de gang, qu’interprète Zoë Kravitz, incarnent toutes deux le stéréotype de la jolie fille métisse qui fait fantasmer.

Chanel Iman dans
Chanel Iman dans « Dope » © 2015 Sony Pictures Releasing GmbH
Zoë Kravitz dans
Zoë Kravitz dans « Dope » © 2015 Sony Pictures Releasing GmbH

 Le personnage féminin le plus intéressant, c’est Diggy, la copine lesbienne des deux héros principaux.

Diggy (Kiersey Clemons) en jaune © Rachel Morrison
Diggy (Kiersey Clemons) en jaune © Rachel Morrison

Ce personnage joué par Kiersey Clemons, qui a aussi le teint clair, est affirmé et a droit à des scènes très drôles. Notamment celle où sa famille veut la faire exorciser à cause de sa sexualité et qu’elle en profite quand même pour reluquer des filles.

Que dit-il de la société américaine ? 

Dope est un film post-Ferguson. Dans la dernière scène du film, au terme de ses nombreuses péripéties, on voit Malcolm face caméra qui interpelle le spectateur en disant : « Pourquoi je veux aller à Harvard ? Si j’étais blanc, vous m’auriez posé cette question ? » A chaque projection où j’étais présente, cette dernière réplique a fait réagir le public, même si ce discours ne nous fait pas sortir du clivage noir/ blanc. Dope aborde les mêmes thèmes que Menace II Society vingt ans après : il s’agit dans les deux films d’évoquer l’émancipation de jeunes dans un quartier de Los Angeles, avec des gangs, des dealers. Sauf que dans  Dope, les héros geeks sont eux-mêmes regardés de travers par la communauté noire, mais assument leur différence dans un univers hostile. Si les deux films abordent le même sujet à vingt ans d’intervalle, c’est peut-être que rien n’a changé, que la société n’a pas évolué.

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