NoirEs en France contre Zwarte Piet : bilan d’une campagne sur le web

Ferguson in Paris
Pour dénoncer la tradition raciste des Zwarte Pieten, « Pierre noirs » incarnés par des blancs grimé en noir façon Minstrel show, Ferguson in Paris et Cases Rebelles ont fait appel à quatre autres associations françaises pour dénoncer la négrophobie. Une campagne 3.0 à l’impact difficilement palpable.

Pendant six semaines, du samedi 14 novembre au dimanche 6 décembre, Sinterklass (Saint-Nicolas), défile aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne accompagné de ses « Zwarte Pieten » (Pierre noirs) qui accompagnent pour distribuer des bonbons aux gentils petits enfants.

Comme chaque année, des personnes blanches se maquillent en noir à l’aide de cirage de chaussure ou de charbon, sans oublier de rougir leurs lèvres pour incarner les Zwarte Pieten. Ils en font même des clips, dans la tradition des Minstrels shows aux Etats-Unis.

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Les personnages de Saint-Nicolas et du serviteur noir venu d’Afrique sont évoqués pour la première fois dans un livre paru en 1845 et extrêmement populaire à l’époque intitulé Saint-Nicolas et son serviteur noir, en toute sobriété, comme le rappelle Slate. Il faut garder en tête qu’on est en pleine période coloniale.

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Youssouf, un des principaux acteurs de l’association Ferguson in Paris, entend parler de cette pratique et de ses origines il y a trois ans. Ne pouvant organiser un voyage pour manifester aux côtés des organisations néerlandaises, belges et allemandes anti-Piet, Ferguson in Paris, avec les panafrorévolutionnaires Cases Rebelles, décident de s’activer en France en s’unissant à d’autres associations présentes sur le territoire : la Brigade Anti-Négrophobie, les afroféministes Mwasi et Les Peaux Cibles et la Jeunesse Consciente Kongolaise .

Ils ont appelé dimanche 15 novembre, les Afrofrançais.e.s à poster avec une pancarte sur laquelle est inscrite « NoirEs en France contre Zwarte Piet »sur le web.

Couleur de peau pas déguisement

Une inspiration venue d’outre-atlantique

« Utiliser les réseaux sociaux dans un but militant, on le fait souvent aux Etats-Unis », rappelle Youssouf. Des collectifs comme Hands Up United et Color of Change, oeuvrant pour « libérer de l’oppression » et « donner un véritable pouvoir politique aux Noirs américains », le font régulièrement.

Celui qu’il trouve le plus intéressant et ouvert sur le monde, c’est Dream Defenders. « Ils parlent d’Haïti, de la Palestine, du Mexique, au contraire du mouvement Black Lives Matter, trop centré sur lui-même. »

Youssouf ne se fait pas d’illusion, les choses ne changeront pas du jour au lendemain suite à une campagne sur les réseaux sociaux. Il s’agissait avant tout pour lui d’informer sur le blackface et de voir comment différentes organisations françaises aux objectifs parfois différents, peuvent travailler ensemble.

Quelle cible ?

La campagne devait initialement débuter le samedi 14 novembre en même temps que les festivités mais la veille, Paris et Saint-Denis étaient frappées par des attentats. Le collectif a donc décidé de décaler la campagne d’une journée.

En tout, c’est plus d’une soixantaine de photos d’hommes et de femmes, venant de Paris, Marseille, Lille et Nantes pour la plupart qui ont été publiées sur le mur Facebook de l’événement.

L’un des buts de cette campagne à l’initiative de Ferguson in Paris, association comprenant moins d’une dizaine de membres, est de faire connaitre ce que représente le blackface au plus grand nombre. Mais sur Facebook, le collectif prêche auprès de convertis. Sur Twitter, beaucoup moins d’activités et quelques rares soutiens visibles de la part d’activistes néerlandais sur Twitter.

D’autres, comme Stop Blackface, critiqué pour avoir manifesté au lendemain des attentats, ont contacté Ferguson in Paris et d’autres associations afin de demander aux organisations d’être solidaires. Quid des personnes non connectées ?

Dénoncer la négrophobie où qu’elle soit

Chaque association a un combat en priorité, l’intersectionnalité pour certaines, les questions raciales pour d’autres. Il n’est donc pas simple de travailler toutes ensemble. Mais tous s’entendent sur un même point : la négrophobie existe dans toutes les sociétés.

« Chaque pays à son blackface. En France, on a Banania et les gâteaux Têtes de nègre qui rappelle l’époque coloniale, des statuts de Colbert, aux Etats-Unis, des drapeaux confédérés. C’est inquiétant de voir encore autant de symboles négrophobes dans nos sociétés. »

Quand on lui demande s’il ne pense pas que les afrofrançais ont peut-être d’autres problématiques ici, il répond : »On en vient toujours à cette question mais j’ai l’impression que même ce qui se passe en bas de chez eux ne les intéressent pas. Je pense par exemple au cas de l’incendie  Vincent Auriol. On était à peine 30 au procès. »

Les associations néerlandaises contre Zwarte Piet et autres ne les ont pas sollicité mais ils espèrent pouvoir créer des liens avec elles (par exemple avec Stop Blackface, organisation anglophone).

Le collectif français – qui pourrait lancer une nouvelle campagne le 5 décembre – aimerait réussir à créer une coalition au niveau européen voire mondial.

Mais peut-on mettre sur le même plan un défilé annuel en blackface et le personnage de Banania ? Les problématiques françaises sont-elles les mêmes que celles des Afronéerlandais, Belges et Allemands, ayant en commun un passé colonial mais pas exactement la même histoire pour autant ?

Combattre cette forme de racisme n’existant pas en tant que tel dans l’hexagone est-ce une priorité pour les Afrofrançais.e.s ? À elleux de le dire.

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