TV -« Le Family Show » sur France 2 : le producteur est une femme

INTERVIEW – France Zobda, comédienne et productrice du Family Show diffusée sur France 2 le 19 décembre prochain a parlé de sa conception de la « diversité », de la télévision et de son projet de fiction sur le BUMIDOM avec L’Afro.

France Zobda, née en 1958, a commencé à évoluer dans le milieu du cinéma en tant qu’actrice. Au casting de films comme Black Mic-Mac ou Les Caprices d’un fleuve, la comédienne martiniquaise est également productrice. Avec Eloa Prod, elle a notamment produit Toussaint-LouvertureDerrière Le Family Show diffusé le 19 décembre, F. Zobda parle de toutes ses casquettes, et évoque de son projet de saga sur le BUMIDOM.

1) Être productrice, cela consiste en quoi exactement ?
La première des choses : il est nécessaire d’avoir envie. De faire des projets, d’avoir la conviction de les défendre, de chercher des financements, d’avoir un réseau pour fédérer et les faire exister. 

2) Pourquoi produire « Le Family Show » ?
On avait envie de parler de la France métissée qui se mélange, sans barrières, sans frontières, au contraire de ce que l’on veut nous montrer.
C’est un divertissement intergénérationnel, un feel good movie qui met en scène deux familles vivant dans des maisons mitoyennes, qui échangent leurs vies et vont participer à un concours de danse et de chant. On a besoin de se divertir et de se réunir, de se décontracter tous ensemble.

3) Comment s’est organisé le casting ?
On pensait à des acteurs et actrices en écrivant le scénario, comme Firmine Richard ou Nadège Beausson-Diagne. C’est une comédienne avec une palette extrêmement large, qui sait chanter, danser.

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C’était aussi l’occasion de revoir des personnalités sur le petit écran comme Jackie Berroyer ou encore Danièle Evenou

4) Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez monté votre boîte de production ?
Nous trouvions que la télé était lisse et très blanche. Avec Jean-Louis Monthieux, mon compagnon, nous avons décidé de créer Eloa Prod, pour mettre en valeur nos cultures métissées sur les écrans.

5) On a appelé Eloa Prod, et avant même qu’on ait pu dire quoique ce soit, on nous a rétorqué qu’il n’y avait « pas de postes, ni de stages » pour le moment. Vous êtes tant sollicités que ça ?
Oui, on a beaucoup de demandes et je réponds à tout ! On travaille énormément avec les jeunes, c’est CAPITAL pour nous d’être dans la transmission. On reçoit de jeunes scénaristes en herbe par exemple qu’on aide à travailler sur leurs textes en les plaçant auprès de professionnels aguerris, par exemple. Beaucoup sont accroché.e.s à leur siège, mais il est primordial d’aider la jeune génération à s’installer, à s’exprimer. On a besoin de son regard, de ses points de vue !

6) Vous continuez votre carrière d’actrice ?
Je joue très peu. J’ai accepté le rôle d’un commissaire mais je me suis concentrée sur la production pendant 7 ou 8 ans et ai mis ma carrière entre parenthèses, même si je reste actrice pour beaucoup de personnes. Mais je n’en souffre pas. Si je peux raconter de belles histoires et offrir de beaux rôles à des comédiens, ça me va parfaitement !

7) Vous avez dit une fois que pour exister, il fallait être malin et universel. C’est-à-dire ?
Savoir faire entrer dans les codes et les formats existants et y être visible. Par exemple, nous avons réussi à proposer un épisode centré sur l’Outre-Mer, pour Meurtres à…, une série policière de France 3 où les enquêtes se déroulent dans une ville et une région françaises différentes à chaque fois, qui s’intitulera Meurtres à la Montagne Pelée.
Avec Le Family Show, on veut raconter la France d’aujourd’hui, mais il faut que tout le monde puisse se sentir concerné et ici, c’est le cas ! Il faut s’adresser et inclure tout le monde dans l’histoire. Être universel, c’est faire en sorte que tout le monde se sente concerné, comme ce que l’on a fait avec Toussaint Louverture ; on a parlé d’une histoire commune, on a évoqué Napoléon Bonaparte, et les gens ont adhéré.
De toute façon, même quand on ne fait pas de « communautarisme », on en est soupçonné. Voir trois Noir.e.s, trois arabes dans un film, c’est communautaire, 70 blancs, non…

8) Vous vous êtes décrite comme étant une femme « potomitan ».
C’est inscrit dans mes gènes ! J’ai toujours été à l’origine de projets, de fédérer autour de ceux-ci, j’ai une âme de leader. Je me suis toujours sentie concernée par le monde, j’ai toujours eu à coeur de faire changer les choses ; il faut susciter des vocations.

9) Black Mic-Mac, dans lequel le public vous a découvert a près de 30 ans. Quel regard portez-vous sur ce film ?
On peut dire ce que l’on veut, mais c’est un film culte, qui a marqué les esprits.  Black Mic-Mac a permis de lancer Félicité Wouassi et Isaach de Bankolé. Thomas Gilou, le réalisateur, a eu l’intelligence de mettre Jacques Villeret pour représenter tout le monde. Black Mic-Mac est un film qui a marché. Heureusement qu’il a existé ! En 30 ans, à part quelques exceptions comme Case Départ, il n’y a pas eu de comédie qui mette la diaspora noire en scène, et c’est dommage !

Difficile de faire l’unanimité quand on fait des projets, mais il en faut où on nous voit car on est plutôt mal lotis de ce côté-là. Peu importe comment on nous voit, d’ailleurs ; le public n’est pas idiot et sait qu’une fiction n’est pas un documentaire. Les gens qui ont vu les films d’Eddy Murphy savent que tous les Noirs de New York ne sont pas comme ça ! On a besoin de se voir, de nous voir.

10) Dernière question concernant votre carrière d’actrice. Régis Dubois dans son livre Les Noirs dans le cinéma français dit que le film Les Caprices d’un fleuve vous a rendu célèbre mais vous a enfermé « dans l’image réductrice de la belle métisse sensuelle à la beauté parfaite et aux yeux bleus lagon ». Qu’en dites-vous ?
Ce film grand public m’a permis de montrer autre chose mais il n’a pas fonctionné. Le personnage que je jouais a plutôt nui à ma carrière, à  cause de la nudité. Il a été difficile de m’expliquer sur ce film, qui a été incompris et descendu par la presse française. On m’en parle encore, car Les Caprices d’un fleuve a raconté quelque chose de très actuel. Après ce film, je n’ai plus travaillé, j’ai connu deux ans de traversée du désert. C’est un souvenir merveilleux mais amer.

11) Quels sont les projets à venir ? 
Outre Meurtres à la Montagne Pelée, nous planchons sur Le Rêve français, un 2×90 minutes qui retracerait l’arrivée des Antillais en France métropolitaine et ce que les générations suivantes sont devenues. La saga sera centrée sur trois familles. Ca fait trois ans que l’on se bat ; on est en discussion. C’est important que les gens comprennent pourquoi nous sommes en métropole.

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