
À l ‘occasion de la sortie du film Chocolat, le premier clown noir, mercredi 3 février, un documentaire, diffusé sur France Ô samedi 6 février, retrace un siècle de rire noir en France. L’Afro l’a vu et vous dit si ça vaut le coup.
« Un humoriste de couleur (sic) est-il condamné à n’être qu’un noir qui fait rire les blancs ou peut-il faire de son art l’outil d’une vraie liberté ? ». C’est l’une des questions qui ouvre le documentaire Chocolat : Une histoire du rire, diffusé ce samedi sur France Ô à 18h40, et réalisé par la journaliste Judith Sibony. Le point de départ, c’est la trajectoire et la trace laissée par le clown Chocolat, qu’interprète Omar Sy dans le film, le premier artiste noir le plus aimé au début des années 1900.
Résumer en moins d’une heure un peu plus d’un siècle de rire, du duo Footit et Chocolat aux comiques de stand-up du Comedy Club est un pari ambitieux ; le documentaire demande si l’on peut « dynamiter les préjugés dans un éclat de rire » aidé par des intervenant.e.s divers.e.s tel.le.s que Gérard Noiriel, Shirley Souagnon, Omar Sy évidemment, Pascal Légitimus ou encore Lucien Jean-Baptiste, des archives avec le clown Chocolat, Joséphine Baker ou encore Henri Salvador, des extraits du Comedy Club mais aussi Michel Leeb, connu pour son sketch « L’Africain », qui pour lui « n’avait pas une once de racisme ».
Hassoul, comme on dit, mais la gestuelle du singe, le cannibalisme, l’accent abusé, la mention du sexe rose, des grosses narines… tous les clichés racistes y sont.
Pourquoi ça vaut le coup… Pour un historique succinct mais bien ramassé de l’humour, tels que les Noir.e.s ont pu l’incarner, sur scène et dans les sketches. Le rappel de l’origine du symbole souriant et caricatural de Banania, un dévoiement de la figure des tirailleurs sénégalais, morts pour la France reste salutaire. Voir des acteurs et actrices noir.e.s s’exprimer sur leur métier, les freins, les stéréotypes auxquels les confrontent leur peau non-blanche et comment l’humour a pu pour bon nombre d’entre eux, être la porte d’entrée pour faciliter leur arrivée dans l’actorat et jouer sans déranger. Lucien Jean-Baptiste, le réalisateur de La Première Etoile entre autres, rappelle des anecdotes et parle du besoin de représentativité, Pascal Légitimus, la difficulté de faire cavalier seul dans les années 80 en tant que comédien noir. On revoit avec plaisir très brièvement le duo Elie et Dieudonné.
Shirley Souagnon, humoriste, qui a connu un succès grand public en passant dans une émission sur France 2, est souvent très juste, surtout quand elle rappelle que les comiques noir.e.s ne sont pas juste là pour faire sourire. Quand Michel Leeb passe à la postérité pour avoir « croqué » les Noir.e.s, Eric Blanc se fait plus que rare dans les bêtisiers et les rétrospectives annuels d’humour. Rien que pour retrouver le comique aux dons d’imitateur, qui depuis s’est relancé sur scène, évoquer avec pudeur comment le sketch où il a à son tour imité Henri Chapier a été mal reçu, voir ce documentaire vaut le coup.
Il était revenu plus longuement sur le sketch, dont le sujet a été soumis par le directeur des variétés de France 2 de l’époque et validé avant qu’il ne soit joué lors des Césars, dans Tout le monde en a parlé, l’émission de Thierry Ardisson.
Le contexte historique est le fil conducteur du documentaire montrant l’évolution de la société en parallèle de la scène culturelle. On pourrait croire que plus on avance et aborde la fin du XXe siècle, plus la scène se colore. Or, comme l’un des intervenants le dit, les humoristes noir.e.s ne sont pas si nombreux.ses dans les années 2000.
Le succès de Joséphine Baker, qui fascinait en dansant, seins nus avec une ceinture de bananes autour des hanches, et voir entre autres, Amou Tati, jeune comédienne qui a écrit son seule en scène, rappeler que le côté sexuel ou la danse restent des attributions qu’on confère aux comédien.ne.s noir.e.s, lorsqu’elleux passent à la télé, que la route est encore longue pour ne pas avoir à passer par la case humour pour être légitimes.
On regrette… Que le documentaire, comme bon nombre d’articles, présente le film Chocolat comme étant la première œuvre de réhabilitation du premier acteur noir oublié. Les images de la pièce du même nom, qui s’est produite aux Bouffes du nord notamment en 2012 l’illustrent à plein d’endroits. Mais jamais on ne nous fait faire les présentations avec Yann-Gaël Ellouet, qui incarne Chocolat et est donc techniquement le premier à l’avoir incarné en France.
Si vous n’avez pas pu voir la mise en scène de Marcel Bozonnet, et raté le documentaire diffusé sur France 3 Picardie, regardez l’extrait ci-dessous qui raconte la création du spectacle jusqu’avant sa première à Amiens, réalisé par Judith Sibony également pour Ma Vie d’artiste, une émission diffusée sur France 5.
Ci-dessous, un extrait de la pièce.