Prendre le public de court, c’est la spécialité de Beyoncé. Elle a récidivé en publiant un nouveau clip hier soir, « Formation ». Décryptage d’une vidéo qui fait déjà parler sur les réseaux sociaux, en ce mois de février durant lequel on célèbre le Black History Month aux Etats-Unis.
Le Black History Month, à l’origine célébration d’une semaine connue sous le nom de Negro History Week lancée en 1926, devenu ce mois qui rend hommage aux figures noires s’étant inscrites dans l’Histoire a officiellement commencé le 1er février, comme chaque année aux Etats-Unis.
La Nouvelle-Orléans comme toile de fond
L’ancienne leadeuse du groupe Destiny’s Child s’est invitée à la Nouvelle-Orléans. Un choix bien réfléchi, comme toujours pour cette reine incontestée de la communication. Cette ville du sud américain, où sa soeur Solange réside et où elle possède également une maison, est riche historiquement et culturellement pour les Noirs américains. Berceau du jazz d’où est originaire le rappeur Lil Wayne, la ville a vu naître le plus ancien ghetto noir des États-Unis.
Du haut de sa voiture de police qui s’enfonce peu à peu sous les flots, elle évoque l’ouragan Katrina qui a frappé la ville en août 2005 mais aussi les violences policières dont est régulièrement victime la communauté noire. Petit clin d’oeil au mouvement Black Lives Matter et à son fameux slogan « Hands Up Don’t Shoot » (qui devient sur graffiti dans la vidéo « Stop Shooting Us ») et à l’affaire Trayvon Martin, -dont la capuche est devenue le symbole- qui aurait fêté ses 21 ans le 5 février.
On y voit aussi des hommes et des femmes dans des chars, ou dans les rues, portant des plumes, des masques ou en tenue de majorette, faisant allusion à Mardi Gras, la population néo-orléanaise étant actuellement en pleine célébration du carnaval. Sans oublier un passage furtif mais évocateur d’un enfant habillé comme un « big chief » ou chef indien qui danse pour célébrer le Mardi Gras Indians, une tradition créée pour rendre hommage aux natifs du pays et en réaction à l’absence de Noirs dans les parades traditionnelles.
Chanter la fierté d’être noire

De façon générale, la chanteuse répond dans ce morceau à ses « haters ». Elle chante : « J’aime les cheveux de mon bébé avec des cheveux de bébé et crépus, j’aime mon nez de négresse avec des narines à la Jackson Five. »
Elle évoque d’abord la chevelure de sa petite Blue Ivy. En 2014, certaines personnes avaient critiqué les cheveux de l’enfant allant même jusqu’à lancer une pétition pour demander à Beyoncé de peigner les cheveux de sa fille. D’autre part, elle répond aux rumeurs selon lesquelles elle aurait eu recours à une chirurgie du nez.
Daddy Alabama, Momma Louisiana, you mix a negro with that creole makes a Texas bamma
Beyoncé rend ici hommage à ses parents, sa mère étant une créole originaire de la Louisiane et son père étant un Noir américain venant de l’Alabama. Elle a pour sa part, grandi dans le Texas. Ces trois Etats sont situés dans le sud du pays, région tristement célèbre pour avoir été ségrégationniste, autre forte symbolique pour tout afro-américain. Le message avec cette référence est simple : il s’agit pour la chanteuse de rappeler qu’elle est une « fille du sud », de revendiquer ses racines, de montrer qu’elle est fière d’où elle vient.
Un visuel fort, des références historiques bien pensées tout en étant à la page niveau actu et un texte dans lequel « Queen Bey » réaffirme son identité. Une révolution ?
Un bon coup marketing

Son engagement est-il réel ? Sur Twitter, le débat est ouvert. Des twittos n’ont pas caché leur admiration et leur émotion face au visuel (à l’instar de la réalisatrice des séries Scandal et Grey’s Anatomy, Shonda Rhimes) et à l’apparition de Blue Ivy à l’écran. D’autres comparent le clip à celui de Rihanna sorti il y a près de dix mois, « American Oxygen ».
Ce n’est pas la première fois que la sincérité du message d’une de ses chansons se pose. On se souvient notamment de son titre « Flawless » où elle avait repris des extraits du discours « Nous sommes tous des féministes » de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. La question était alors de savoir si elle était féministe ou non.
C’est aussi peut-être l’occasion pour elle et son mari Jay Z de changer leur image de couple non engagé justement. Il leur a souvent été reproché d’être avant tout capitaliste. Or, quelques heures avant la mise en ligne du clip, Tidal, le service de musique disponible en streaming fondé par le rappeur millionnaire et conjoint de Beyoncé, annonçait vouloir donner 1,5 millions de dollars au mouvement Black Lives Matter et à d’autres associations à but non lucratif.
Et comment ne pas se demander quelles sont les véritables intentions de la chanteuse quand on constate qu’une ligne de vêtements dérivés du clip est disponible peu de temps après que la vidéo ait été dévoilée ?
Depuis quelques jours déjà, des rumeurs s’étaient répandues sur le net, affirmant que Beyoncé reviendrait sous peu. Et ça n’a pas loupé. Mais quel timing : quelques heures seulement avant la finale du Super Bowl, ni plus ni moins que l’événement sportif le plus regardé et donc le plus rentable aux Etats-Unis où elle se produit pour la seconde fois de sa carrière dimanche durant la fameuse mi-temps, cette fois en compagnie du groupe Coldplay.
Une fois de plus, même lorsqu’il s’agit d’être politique, Beyoncé ne laisse rien au hasard.