Tresses entre soeurs : « Coiffer quelqu’un, c’est entrer dans son intimité »

Trouver le.a coiffeur.se qui saura y faire, en qui on peut avoir confiance, relève souvent du parcours du combattant. Aujourd’hui, Bintou et Niema, deux soeurs nous racontent leurs expériences capillaires.

Bintou ne sait pas se coiffer. La jeune femme, âgée de 31 ans, a 4 soeurs et c’est l’une d’elle, Niema, 35 ans, aussi sa voisine, qui s’en charge. Les deux femmes, complices, se confient sur leur rapport aux cheveux, leurs souvenirs capillaires et leur relation de coiffeuse et coiffée.

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Souvenirs d’enfance

Bintou : De mon enfance à mon adolescence, mes coiffeuses étaient  surtout notre mère, une de nos plus grandes soeurs, une de nos voisines et proche amie de la famille ou des amies qui habitaient dans notre quartier. Je garde un bon souvenir de moi, enfant blottie contre ma mère pendant qu’elle me faisait des nattes collées. Je me sentais bien.

Niema : Un bon souvenir pour moi, c’était le jour où on m’avait fait un soin à l’oeuf, pour stimuler la pousse il me semble. Je ne sais plus si c’était ma mère ou une amie à elle qui me l’avait fait mais j’avais adoré la fraîcheur et le massage !

Catastrophes capillaires

N. : Je devais être en classe de 5ème, c’était l’été et on est allé acheter 2 pots de défrisant pour Bintou et moi avec une voisine et amie de la famille, qui avait 10 ans de plus que moi. Le pot bleu était le plus fort et le rouge le plus doux. Je précise que j’ai les cheveux plus fins que ceux de ma soeur. Une fois à la maison, la voisine a appliqué le pot bleu sur ma tête. J’avais le crâne en feu, elle m’a dit que c’était normal et m’a massé la tête. Résultat : j’ai perdu tous mes cheveux de derrière ! Mais ils ont bien repoussé depuis.

B. : Ce qui a été difficile, c’est quand j’ai eu de gros problèmes thyroïdiens, il y a bientôt 3 ans. J’ai perdu énormément de cheveux à ce moment-là.

Bintou
Bintou tressée par sa soeur, Niema


Les salons de coiffure

B. : j’y suis allée une fois, à Château-d’eau à Paris, il y a 3 ans. C’était une castastrophe ! La coiffeuse ne m’a même pas bien fait mon tissage. J’y suis retournée mais il n’y a pas de service après-vente là-bas. En gros, tu paies pour un service mais si tu t’énerves parce que tu n’es pas contente du résultat, il y a un mec qui te fait comprendre qu’il va te régler ton compte. Et puis, ça a un coût : payer la matière première puis la coiffure, pour ne pas être sûre d’aimer le résultat, ça fait beaucoup ! Il y a aussi un autre problème : certaines coiffeuses  pensent que les cheveux, c’est du papier ! Elles peuvent faire mal et causer de la casse.

Il faut dire aussi que les coiffeuses sont souvent sans-papiers et sous pression, elles travaillent à la chaîne dans de mauvaises conditions. Mais il y a de bonnes coiffeuses à Château d’Eau. Tu vas seulement si tu sais exactement où les trouver, qu’on t’a recommandé quelqu’un.

Maintenant les réseaux sociaux changent la donne. Les gens veulent voir ce que les coiffeuses peuvent faire, qui elles ont coiffé, ce que ces personnes-là disent de leur travail …

N. : En fait, il y a deux catégories de salons : d’un côté, ceux qui sont illégaux et qui coûtent moins cher ce qui est plus intéressant pour nous et de l’autre côté, ceux qui sont réglementés avec un vrai service mais qui coûtent plus cher. Je préfère payer plus cher si la qualité est là.

Niema
Niema, tressée « à la sénégalaise »


Le rapport au cheveu

N. : Les cheveux sont souvent associés à la féminité, ils reflètent le style, la personnalité d’une personne. Mais ce n’est pas seulement une question esthétique. La santé rentre en jeu aussi : on sait aujourd’hui que le tabac et le moral par exemple jouent sur la qualité des cheveux et même de la peau. Chaque femme a une relation particulière avec ses cheveux. Je vois par exemple que ça crée de la jalousie chez ma nièce de 6 ans qui se plaint souvent que sa soeur de 9 ans a des cheveux plus longs que les siens.
Les miens ont une longueur que j’estime correcte, je peux faire un petit chignon avec et ça me convient.

B. : J’ai l’impression que si les gens perdent un peu de leur longueur, c’est la fin du monde ! D’après ma petite soeur qui a 22 ans, j’ai connu un âge d’or où je faisais partie de la bande de filles qui avaient les cheveux les plus longs de la famille ! J’évite de demander à ma mère de me coiffer maintenant parce qu’elle n’arrête pas de soupirer tellement elle est désespérée et de me dire « tu avais les cheveux plus longs avant, qu’est-ce qui s’est passé ? » Qu’ils soient en bonne santé, c’est tout ce qui compte pour moi, peu importe leur longueur.

Les autres coiffeuses

B. : Aujourd’hui, c’est Niema qui me fait des rajouts. Quand j’en veux des plus fins, je demande à une autre de mes soeurs -elles sont deux à savoir coiffer. A l’époque où je faisais encore des tissages, il y a encore deux ans,  j’avais une coiffeuse à domicile qui habite pas loin de chez moi.

N. : Je me suis fait mes rajouts toute seule 3 fois en un an. Je pense continuer comme ça. Quand je veux des nattes collées avec rajouts à la sénégalaise, je demande à une mère de famille dont les enfants fréquentent la même école que ceux de ma grande soeur. Elle est d’ailleurs devenue la coiffeuse de mes nièces.

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La session coiffure

N. : Quand je coiffe Bintou, elle m’énerve ! Elle fait des commentaires pour dire qu’elle veut que ce soit comme ci ou comme ça et comment je dois m’y prendre. Mais c’est fatigant, ça demande de la patience- une journée !- et entendre des remarques de la part de quelqu’un qui ne sait pas coiffer en plus …

B. : Moi, j’adore quand ma soeur me coiffe ! Je peux tout lui demander, je me sens en confiance parce qu’elle sait ce que je veux et c’est très agréable d’être à la maison, entre nous, à commérer ou commenter des programmes télé, ce qu’elle fait très bien d’ailleurs 😉 !

N. : Je ne me vois pas coiffer des gens que je ne connais pas. D’abord, parce que ce n’est pas mon métier et que je risque de ne pas être à la hauteur de leurs espérances. Et aussi parce que je considère que coiffer quelqu’un, c’est entrer dans son intimité.