INTERVIEW – Harold Varango, créateur de ‘Persuasif’, websérie qui questionne la morale

Harold VARANGO
Harold Varango par Jocelyn Rolland
ENTRETIEN – Vous êtes peut-être tombé, au détour d’un clic sur le net, sur la websérie Persuasif. Écrite, créée et réalisée par Harold Varango, l’histoire tourne autour de Nathanaël, personnage complexe et insondable, recouvreur de dettes efficace sans avoir recours à la violence. Produite par Arte Creative, la première saison de cette série est le « premier projet abouti » du réalisateur. L’Afro l’a rencontré.

Qu’avez-vous fait avant de devenir réalisateur ?

Tellement de choses ! J’ai d’abord été dj de 1992 jusqu’à la fin des années 90. Je composais aussi des musiques. Mais j’ai décidé d’arrêter car pour que ça marche, il faut connaître du monde, ça dépend de la bonne humeur de gens qui ne sont en plus pas forcément qualifié. En bref, il fallait trop d’intermédiaires ce qu’internet a changé.

J’ai ensuite commencé à bricoler un peu, à me former au montage autour de début 2000 ; j’avais cette idée, pas forcément justifiée, que j’y arriverai plus facilement dans l’image que dans le son.

J’ai fini par devenir régisseur, je m’occupais de la logistique de tournages, partie musclée, vous êtes le monsieur ou la madame à tout faire. L’idée, c’était de voir comment se passait un tournage. Au bout d’un moment, j’ai senti que j’avais fait le tour et pouvait prendre les commandes.

En fait, je voulais faire des films depuis le collège mais je me disais que ce n’était pas sérieux, à cause de la mentalité de mes parents africains qui me disaient qu’il fallait un vrai boulot. Je l’ai tellement bien intégré que je me suis longtemps censuré.

Dans mon esprit, je suis toujours régisseur. Il faudra beaucoup de temps, et plus de productions, pour pouvoir dire que je suis réalisateur avec conviction. C’est très précaire, comme profession …

Comment a débuté l’aventure Persuasif ?

On a tourné deux épisodes d’une première version de la série en 2010, qui étaient fin prêt en 2012. Dès le début, j’ai voulu le faire pour internet, de façon totalement indépendante. Mais il y a des personnes dans l’équipe qui ont proposé d’essayer de démarcher car je ne pouvais payer personne, l’argent servant uniquement à la logistique. Je me suis dit que je devais bien essayer même si je n’étais pas partant puisque ce n’était pas le but à la base. J’ai constaté que le monde de l’audiovisuel français est très fermé. Parmi ceux qu’on a contacté, Arte. Ils ont été intéressé mais le développement a pris du temps.

Pourquoi spécifiquement pour le web?

Je trouve que cette plate-forme permet aux choses d’aller plus vite et d’éviter de passer par des intermédiaires. On peut aussi y faire tout ce qu’on veut. La télévision en général a tendance à émasculer les choses et que ça ne nous intéressait pas. Ce que je voulais faire au départ, c’était de varier la durée des épisodes, pouvoir en faire un de 20 min, un autre 4 min … mais la chaîne a demandé du 6 min, bien que ce ne soit pas respecté à lettre. Internet est censé être un espace de liberté, si on commence à y mettre des dogmes et des formats fixes, on importe les codes de la télé.

Capture Persuasif 6

Comment s’est passée la collaboration avec Arte ?

Arte nous a laissé pas mal de liberté. La version finale de la série est différente de la première mais l’équipe d’Arte n’a pas dénaturé l’esprit original. Elle a été mise en ligne le 10 novembre 2015. Et 3 jours plus tard, il y a eu les événements tragiques que l’on sait à Paris et le net ne parlait bien évidemment que de ça. Donc ça a bien gâché le décollage de la série qui est un peu tombée à la trappe. On a fait nos petites vues mais il a fallu pas mal les soutenir.

Comment vous est venue l’idée du scénario ?

Je voulais raconter une histoire mais avec une continuité d’où le thème du recouvrement de dettes – qui est le fil conducteur – et le choix format série. La presse dit souvent qu’il s’agit d’un polar. Il y a effectivement une structure policière mais je ne l’ai pas écrite en me disant ça. Et d’ailleurs, un polar en dit souvent plus qu’il n’y paraît. Le cœur de la série, c’est le côté sentimental et une vraie réflexion sur la morale : qu’est-ce que c’est que la morale ? Est-ce que la morale de l’un est celle de l’autre ? Comment on se construit sa morale ? À quoi peut-elle résister ? Où est la frontière entre la morale et le légal ?

Capture Persuasif 5

Comment avez-vous choisi Blaise Ba pour interpréter Nathanaël, le personnage principal ?

Blaise, je le connais depuis presque 20 ans. On avait déjà fait un petit film en 2003 mais personne ne l’a vu, même pas lui , c’était du grand bricolage ! Ce qui est drôle, c’est que le sujet était sensiblement le même que celui de Persuasif et qu’il était déjà au centre du scénario mais je ne m’en étais pas rendu compte au début.

Et pour le reste des comédien.ne.s ?

Je connaissais une bonne partie des comédiens de la première version. Pour la seconde, je les ai tous rappelé, mais tout le monde n’a pas pu ou voulu revenir. On a fait pas mal de casting. Eriq Ebouaney est venu à nous, je n’y croyais pas ! Pareil pour Bass Dhem. Quand le directeur de casting nous a dit qui était venu, j’étais étonné ! Et ça nous confirme que le scénario convainc les gens, parce que si c’est de la merde, ils ne se déplacent pas. Concernant le tournage, qui a duré 20 jours, c’était dur mais fort humainement.

Capture persuasif
Blaise Ba et Eriq Ebouaney dans Persuasif

Vous avez gagné le prix de la web série étrangère au Canada au festival de Vancouver. Est-ce que ça vous a permis d’avoir plus de visibilité ?

Pour moi, ce prix est lourd de sens : on le gagne au Canada, pays de la websérie devant plus de 50 webséries dont des américaines. Mais ce qui se passe est assez paradoxal. Le TéléObs a sorti récemment un article sur le renouveau des webséries françaises, notre travail n’a pas été évoqué. On est une des deux séries d’Arte Creative, ils parlent de l’autre, mais pas de nous. Dans les retours d’anonymes que nous avons pu avoir, certains disent même qu’ils n’ont jamais vu une production de telle qualité en matière de websérie française. On peut donc faire tout ça et malgré tout être ignoré par la presse. Quand on est un.e journaliste qui s’intéresse à l’audiovisuel, on se doit de regarder ce qu’il se passe sur le web. Car si le vent doit souffler dans le domaine, il soufflera par là. C’est là où les créations prennent le plus de risques, car il y a moins d’enjeux financiers. Et ça me paraît difficile de dire qu’on est spécialiste du domaine et qu’on n’a pas vu la série.

Capture persuasif 4

À quoi est-ce que vous vous attendiez ?

Je m’attendais à ce que les gens regardent. On a fait la série en faisant des choses différentes de ce qu’on a l’habitude de voir. On l’a fait et on est appuyé par une chaîne dont le bon vouloir est rarement mis en cause voire jamais. Je ne pensais pas qu’avec ce bagage, on puisse être ignoré de cette manière-là. Cet aspect là était une mauvaise surprise pour moi et me montre que le monde de l’image fonctionne comme celui de la musique.

Vous regardez des webséries ?

Non, en ce moment parce que je n’ai pas le temps et pendant le tournage de Persuasif, c’est parce que j’avais peur d’être influencé. Mais en matière de séries, j’aimais bien Scrubs et X Files. La seule que j’ai regardé à cette période-là, c’est Mad Men. Je pense qu’elle a influencé mon projet au niveau du rythme même si les deux n’ont rien à voir. Ce que j’aime dedans, c’est le fait qu’il n’y ait pas forcément de réponse dans chaque épisode ; la narration est errante, sophistiquée, brillante. Certains ont plutôt tendance à comparer Persuasif à The Wire.

Le long-métrage, ça vous intéresse ?

Bien sûr. Ce que j’aime, c’est raconter des histoires. Si le format série me permet de le faire, ça me va. Mais ce format n’est pas une fin en soi. J’ai d’ailleurs déjà écrit un long-métrage avant de faire Persuasif car je savais que la route serait longue avant de pouvoir réaliser un premier film. J’ai voulu me servir d’internet en me disant que ce serait plus rapide et finalement il aura fallu 5 ans pour que le projet soit enfin prêt et diffusé. Pour la saison 2 de la série, il n’y a aucune certitude pour le moment mais on aimerait en faire une !

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#unjouruneactriceafrofrançaise #26 : Gigi Ledron

TROMBINOSCOPE – Parce qu’on n’en peut plus d’entendre que les comédien.ne.s noir.e.s en France sont invisibles, qu’on n’en connaît peu, que si, que là… on a décidé d’en présenter un, brièvement, tous les jours. Aujourd’hui : Gigi Ledron.

Invisibles, les comédien.ne.s afrofrançais.e.s ? Pendant que nous nous demandons si nous sommes capables d’en citer plus de cinq, ces artistes s’affairent sur les plateaux de cinéma, les planches.

Loin de nier la ligne de couleur qui règne au théâtre, au cinéma, à la télévision et malgré des améliorations, nous voulons les mettre en valeur, à la suite d’autres, justement parce qu’il peut être difficile de savoir où et quand illes jouent.

Vous trouverez ici chaque semaine le nom et la photo d’un.e comédien.ne noir.e, sa date de naissance, son premier film, les films marquants dans lesquels ille a joué, son dernier rôle.  Aujourd’hui : Gigi Ledron.

Gigi-Ledron
Gigi Ledron (Source photo : Agence Parat)

Gigi Ledron est née le .

Elle chante et débute sa carrière en faisant du théâtre musical autour notamment des oeuvres de Molière dans Si les syllabes m’étaient contées par Sarah Eigerman (2002), de Boris Vian dans Trompette bonbon, les Négropolitains chantent Boris Vian (2003) ou de la vie de Joséphine Baker dans la pièce du même nom(2005). Elle joue également le rôle de Bintou, une abidjanaise dans la comédie Men !!! (2005-2006), Jeanne Duval, muse de Baudelaire dans Maudite soit la nuit (2009) ou encore Mamie Till dans la pièce Dans les rivières du Delta (2011).

Au cinéma, elle joue dans La valse des gros derrières aux côtés de Diouc Koma et Mata Gabin (2000), Mama Aloko de Jean Odoutan avec Laurentine Milébo et Stéphane Soo Mongo (2002),  Paris de Cédric Klapisch (2008), Le nom des gens de Michel Leclerc (2010), Carlos d’Olivier Assayas (2010), La stratégie de la poussette de Clément Michel (2011)

Gigi Ledron fait également des apparitions sur le petit écran dans les séries Mafiosa, Alice Nevers, Joséphine ange gardien, Les mystères de l’amour, Engrenages ou encore Q.I.

En 2016, on a pu la retrouver au théâtre dans la pièce Un mariage est si vite arrivé de Laurence Dru, dans la web-série Persuasif de Harold Varango co-produite pas Arte Creative, qui a été récemment diffusé sur BET France.

Cette année, elle a incarné le rôle d’une femme flic dans le téléfilm Noir Enigma de Manuel Boursinhac et Gianguido Spinelli et elle vient d’achever le tournage du long métrage Deux fils de Felix Moati avec Vincent Lacoste et Benoît Poolvoerde.

MODE – Afrikanista, le manifeste afrofrançais entre traditions et modernité d’Aïssé N’Diaye

(RE)DECOUVERTE – Aïssé N’Diaye a créé la marque Afrikanista, reflétant son intérêt pour l’Afrique et la mode. Actuellement au Comptoir Général pour vendre ses vêtements, on l’a rencontrée.

Aïssé N’Diaye, c’est la jeune femme de 35 ans, derrière la marque Afrikanista. Afrofrançaise -franco-mauritanienne-, banlieusarde, cette ancienne visual merchandiser se consacre tout entière à sa petite entreprise. Celleux qui la connaissent déjà n’apprendront rien mais ne l’en aimeront que mieux, celleux qui ne comprennent pas pourquoi ses créations, des t-shirts, des sacs et des pochettes ont peu de wax et beaucoup de messages devraient avoir envie de les approcher de plus près.

Un déclic : une photo de sa mère 

« Ma mère figurait sur une photo avec ma tante, qu’elle avait ramené d’un voyage de Mauritanie, le pays où elle a grandi. La photo, que j’ai vu par hasard il y a quatre ou cinq ans a été prise à Dakar dans les années 70 ; c’est la première fois que je découvrais ma mère petite. J’ai pris conscience que c’était un bien commun mais sous-exploité : on a tous des photos de famille, la photographie africaine reste mal connue. J’ai commencé à m’y intéresser, à faire des recherches sur Seydou Keïta, Malick Sidibé. L’idée de mêler vintage, -j’aime les objets anciens, le style des chanteuses années 70-80-90- et l’Afrique dans un concept a commencé à germer. »

Une pièce phare : les épaulettes 

« Les épaulettes sont inspirées de Beyoncé. Dans les clips de Diva et Run The World, il y a un côté très féministe et girl power qui m’a influencé pour créer le concept de la « Funky Diva », une femme fière de ce qu’elle est, entreprenante, confiante en elle et en son style. Si mes collections ont plutôt attiré les femmes, les hommes qui aiment la mode achètent avec les épaulettes. »

Des opportunités : Le Comptoir Général, Merci 

« La première fois que j’ai présenté mes pièces au grand public c’était lors du festival Art’Press Yourself, organisé par Laetitia N’Goto, en novembre 2015. J’ai pu montrer mes collections chez Merci en mars 2016. Grâce à une de mes followeuses sur Instagram, on m’a contacté pour participer à cette édition So Wax. »
Aïssé N’Diaye propose ses créations au Comptoir Général jusqu’au 30 avril 2016.

Des territoires : l’Afrique, Clichy-sous-bois

« Difficile de me positionner en tant que Française. Je ne me reconnaissais pas dans ce que je voyais à la télé, je me sentais marginalisée : j’ai grandi dans un quartier populaire à Paris, j’ai vécu à Clichy, point de départ des émeutes. Les proverbes africains m’ont toujours influencé, comme « Tant que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur » ; il résume selon moi l’histoire des Noir.e.s. J’ai été seulement deux fois dans le pays de mes parents  ; petite, ce n’était pas évident d’y aller plus. Si j’avais 18 ans lors de mon dernier séjour, je connais la Mauritanie surtout à travers ce qu’en racontent mes parents qui y vont souvent, les photos. Je suis passionnée par l’Egypte antique, je trouvais important de parler de ce pan de l’histoire falsifiée à travers ma marque, qui veut qu’on oublie que les Egyptien.ne.s étaient noir.e.s.. Le logo d’Afrikanista fait référence à l’oeil d’Horus, un dieu égyptien, l’oeil étant une amulette symbolisant la protection. »

Une ambition : se développer à l’international 

« Je veux prendre des leçons de stylisme, ne pas me limiter à la sérigraphie et pouvoir dessiner des collections en wax, fidèles à mon esprit. J’aimerai également ouvrir des points de vente, en France et à l’étranger. Je prépare un projet lié à Afrikanista, mais dont je ne peux pas encore parler. »

VIDEO – Qui est Aissa Moments, la « Princesse » du dernier clip de Nekfeu ?

CLIP – On vous parle d’Aissa Moments,  la Youtubeuse-coach-animatrice présente dans le clip de Nekfeu.

Nekfeu avait choisi Malika Ménard pour qu’elle figure dans son clip « On Verra ».
Dans « Princesse », le dernier clip d’un de ses titres, c’est Aissa Moments que certains internautes ont reconnu, qui apparaît vers 3 minutes 10.

Rêve de la carrière d’Oprah Winfrey

Aissa Moments n’est pas qu’une figurante de vidéo, ni une ancienne candidate de télé-réalité c’est aussi et surtout une  Youtubeuse qui « donne des outils pour une vie meilleure ». Son créneau : le coaching relationnel. Sa bio Instagram la décrit sobrement comme « LA OPRAH WINFREY FRANCAISE » (sic)

Son public la regarde professer des vérités vraies sur la vie comme elle va dans un couple. Ses vidéos Facebook sont vues 30 000 fois en moyenne, elle utilise Instagram pour annoncer et Snapchat pour lancer des débats sur des sujets divers tels que la jalousie, l’amitié hommes-femmes et autres.

aïssa moments rdv à ses fans

Elle anime également un talk-show « A coeur ouvert » où des (non)-anonymes et autres personnalités connues sur les réseaux sociaux viennent se livrer, avec la timeline de Manhattan en arrière-plan. Elle a récemment reçu le snapchatteur Ohplai et le comique Jaymax. La vidéo de ce dernier, venu parler du couple qu’il forme avec la youtubeuse Pembe Cherole a été vue plus de 119 000 fois.

Une amie et collaboratrice de François Durpaire

La jeune femme s’est visiblement donné le but de réussir une carrière télévisuelle. A défaut d’être déjà sur les grandes chaînes, Aissa Moments officie sur France Diversité Média, « la première télévision chaîne européenne de la diversité », gérée par Mathieu Toulza Dubonnet et diffusée sur la TNT. Cet ancien judoka s’est lancé dans les affaires en 1997 et a crée MTD Finance, une boîte spécialisée en gestion de patrimoine et défiscalisation et après une expérience dans la mode, investit dans le domaine de la télé.

La chaîne dont la vocation est de mettre en avant (sic)  » les ‘Talents de la diversité républicaine’, ceux qui croient en la France, l’aiment et qui, bien que talentueux, ont pourtant du mal à obtenir une visibilité médiatique. Ses moyens d’action (…) [:] porter les sujets les plus exigeants sur les fronts politiques, économiques, sociaux et culturels et, ce, sans jamais faire excès de passion ni de communautarisme » a un directeur d’antenne et des programmes bien connu desdits « réseaux de la diversité » : François Durpaire.

Souvent invité sur les plateaux télé pour parler de l’histoire (afro)américaine et plus récemment d’éducation, François Durpaire, également présentateur sur France Diversité Média, a co-animé deux numéros du Conseil d’Aïssa. Avec Aissa Moments, il répond aux internautes et « leur donne des conseils sur  la vie conjugale ».  Les deux n’hésitent pas à afficher leur collaboration et l’estime qu’ils se portent sur les réseaux sociaux.

Alors, vous ne vous sentez pas devenu.e.s meilleur.e.s ? 😉