Leonora Miano sort L’Impératif transgressif : écrits et dires d’une « sacrée marginale »

SORTIE – Au début du mois de juin, Leonora Miano présentait son nouveau recueil de textes à la librairie Violette And Co, l’occasion de répondre à quelques questions sur ses ouvrages, le prix Mahogany avec le franc-parler qu’on lui connaît.

C’était sa septième venue. Leonora Miano avait répondu le 1er juin à l’invitation de la librairie Violette And Co, pour parler de L’impératif transgressif, son nouveau livre publié chez L’Arche Editeur le 18 mai 2016. Animée par l’une des libraires, la rencontre, sans chichis et sans photos, a permis de donner un avant-goût de ces nouveaux textes, un ensemble de communications et de conférences prononcées entre 2012 et 2014.
Une place atypique dans le paysage littéraire français

Leonora Miano a publié son nouveau livre, un recueil de conférences données entre 2012 et 2014. Non, elle n’est pas devenue chercheure, comme on lui demanda ce soir-là, à la librairie Violette & Cie où elle était venue présenter cet ouvrage devant une cinquantaine de lect.eur.ice.s. Mais cette fréquentation des universitaires et des textes des chercheur.e.s frappe quand on lit L‘Impératif transgressif, le recueil auquel un des textes donne son nom. Concrètement, c’est l’obligation de remettre en cause des manières de penser, des termes, des codes, qui sont imposés aux Afrodescendant.e.s. Ainsi, sera-t-il possible de faire émerger de véritables réflexion et retour sur soi. Il y est donc beaucoup question du langage, de création, questions qui obsèdent l’auteure. L’ouvrage peut se lire comme un exposé des réflexions, des travaux liminaires et préparatoires à son oeuvre artistique, nourrie avant tout par son imagination, comme elle tient à le rappeler : c’est une artiste, une « fantaisiste », pas un professeur, ni un simple témoin.

C’est aussi en creux, une certaine image de l’écrivaine, au parcours singulier, auteure afrodescendante lue en France et dans le monde, mais qui entretient des relations compliquées avec ce public, dont l’une des oeuvres est inscrite au programme officiel des classes de seconde au Cameroun, qui est donc reconnue et primée mais dont l’oeuvre et les prises de parole libres peuvent créer de la rancoeur, des heurts, de l’incompréhension comme elle le souligne elle-même. Une position de Sacrée Marginale, un autre texte du recueil, qu’elle assume, n’ayant pas d’autres choix que de dire et de faire ce qu’elle pense être juste.

Le prix Mahogany a besoin de soutien

Leonora Miano oeuvre plus largement pour que la littérature produite par des écrivain.e.s subsaharien.ne.s et afrodescendant.e.s soit reconnue et valorisée. Depuis 2012, avec Mahogany, « pour que les auteurs écrivent, pour que leurs ouvrages soient lus, pour que les voix qu’ils font entendre comptent », comme l’indique la page Facebook, Leonora Miano réunit des chercheur.e.s, artistes et auteur.e.s au sein d’un jury, comme Silyane Larcher, Sika Fakambi ou Nadia Yala Kisukidi entre autres, qui a la tâche de sélectionner et récompenser des oeuvres littéraires exigeantes, en parallèle d’une manifestation annuelle sur plusieurs jours.

Ce lundi, l’auteure notait l’importance de se doter d’instances culturelles indépendantes, célébrant cet art exigeant qu’est la littérature. « Si j’avais demandé de l’argent pour faire de la musique, on me l’aurait donné sans problème », a-t-elle dit à sa manière pince-sans-rire, invitant d’ores et déjà les contribut.eur.ice.s à un dîner au cas où l’objectif financier -10 000$- ne serait pas atteint le 12 juillet. On a envie de croire qu’elle sera démentie… Pour participer, c’est par ici

Crépuscule du tourment, son nouveau roman, arrive pour la rentrée

Leonora Miano n’abandonne pas la fiction même si elle a avoué qu’elle envisageait de lever le pied pour se consacrer à la musique, son autre passion. Crépuscule du tourment est le titre de son nouveau roman qui paraîtra chez Grasset le 17 août 2016. Choral, doté de personnages principaux féminins, ancré dans un pays subsaharien : le livre qui succède à La Saison de l’ombre

Dans L’impératif transgressif, comme lors de cette présentation, l’auteure n’est pas avare de citer le travail d’autres écrivain.e.s, chercheur.e.s. Alors que quelqu’un de l’assistance lui demandait -une fois de plus- de produire d’autres écrits taillés pour un public afrofrançais, avide de se retrouver dans les textes, elle a répondu « Si vous avez le sentiment de ne pas lire des choses qui vous ressemblent, écrivez-les », en paraphrasant la romancière américaine Toni Morrisson. Et elle n’a pas hésité à citer Gaël Faye, le rappeur franco-burundais qui, fin août 2016, s’apprête à sortir Petit Pays, son premier roman, également chez Grasset. Pas de posture, pas de militantisme le poing levé, mais de la cohérence, jusqu’à la fin de la rencontre. Sacrée marginale…

Leonora Miano était au Marathon des mots à Toulouse les 24, 25 et 26 juin