SAVE THE DATE – Cette semaine, on vous donne rdv vendredi 8 mai pour parler coronavirus au Sénégal avec la journaliste Aisha Dabo.
A en croire bien des médias en Occident, la menace Covid-19 est sous-estimée sur le continent africain. Pourtant, il est moins touché comparé à d’autres. Nous avons voulu nous pencher sur le cas d’un des pays qui s’en sort le mieux en Afrique : le Sénégal. Pour nous éclairer, la journaliste gambienne Aisha Dabo qui y est basée. Elle est également membre d’AfricTivistes, collectif de blogueur.ses et cyber-activistes africain.es pour la démocratie. Comme lors de notre précédent #lafrolive qui s’est tenu vendredi dernier, vous pouvez d’ores et déjà préparer vos questions. D’ailleurs, on vous met ici le lien si vous souhaitez (re)voir le live sur le confinement et la santé mentale avec la psychologue Stella Tiendrebeogo. On en profite pour vous remercier d’avoir été aussi nombreux.ses pour cette première !
SAVE THE DATE – On vous attend sur notre compte Instagram @lebloglafro vendredi 1er mai avec la psychologue et sexologue Stella Tiendrebeogo.
Voilà un mois et demi que nous sommes confiné.es. Tant d’enjeux sont cruciaux en cette période et notamment celle de la santé mentale. Nous avons eu envie d’en parler avec une professionnelle. C’est pourquoi nous avons fait appel à Stella Tiendrebeogo, psychologue et sexologue qui distille de l’information sur le compte @uncactusdecabinet. Elle répondra à vos questions autour de ce sujet ! RDV donc sur notre Instagram @lebloglafro vendredi 1er mai à 18h. P.S : il s’agira de notre tout premier live sur ce réseau social et on a hâte de vous y retrouver !
BILAN – Jamais deux sans trois ! Comme les deux années précédentes, nous avons demandé à des rédacteur.ices, reporter.ices d’images et autres professionnels des médias de partager chacun.e trois événements qu’ils ne sont pas prêt.es d’oublier avant de passer à l’aube de l’an 2020. On laisse désormais la parole à Rouguyata Sall, François Oulac, Eva Sauphie, Estelle Ndjandjo et Eric Amiens.
Les femmes de chambres de l’hôtel Ibis Batignolles en grève (17 juillet 2019)
« Depuis le 17 juillet, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris sont en grève. Parmi ces femmes, certaines ont des problèmes de santé, d’autres des difficultés à faire garder leurs enfants pendant la grève. Toutes sont précaires. Elles n’ont pourtant rien lâché pour améliorer leurs conditions de travail, dénonçant leurs cadences et les dérives de la sous-traitance du nettoyage dans les grands groupes hôteliers. Ces femmes n’ont toujours pas obtenu gain de cause, vous pouvez les soutenir ici. »
La convergence des luttes lors de la marche Adama III (20 juillet 2019)
« Après trois ans d’actions du comité Vérité et Justice pour Adama, une convergence inédite s’est produite à Beaumont lors du funeste anniversaire de la mort d’Adama Traoré : celle des habitants des quartiers populaires, des antifas, des gilets jaunes, des militants écologistes, de la LDH, d’Amnesty, d’élus de gauche et des syndicats. Ce fut l’occasion de rappeler que les violences policières ne datent pas du mouvement des Gilets Jaunes et qu’elles trouvent leur généalogie dans les quartiers populaires. »
La découverte de Homo luzonensis, cinquième espèce humaine (10 avril 2019)
« En avril dernier, des chercheurs ont découvert une cinquième espèce humaine aux Philippines. On l’appelle Homo luzonensis et il aurait vécu en même temps que nos ancêtres Homo sapiens il y a plus de 50 000 ans. Il est plus petit, n’a pas les mêmes pieds et les mêmes dents que nous, mais génétiquement, c’est le cousin préhistorique de toutes et tous les Homo sapiens que nous sommes. Reste à savoir comment il est arrivé sur l’île de Luçon pour en savoir un peu plus sur les migrations de l’époque ! »
Eva Sauphie journaliste culture lifestyle et société (Jeune Afrique, Le Point Afrique, Les Inrocks)
Eva Sauphie
La libération de la parole des femmes au Fespaco (février 2019)
« Plus d’un an après l’affaire Weinstein aux Etats-Unis et le mouvement #metoo qui a suivi sur la Toile à l’échelle mondiale, la loi du silence se brise enfin sur le continent africain. C’est dans la douleur et l’émotion générale que la parole de quatre actrices harcelées et abusées sexuellement s’est libérée lors d’une table ronde organisée en marge du festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Un moment historique qui a conduit la profession à réagir en radiant de la compétition le réalisateur burkinabè Tahirou Tasséré Ouédraogo, qui avait sévèrement agressé son assistante, Azata Soro, aujourd’hui défigurée. »
Les soulèvements populaires en Afrique (décembre 2018 / mars 2019)
« Impossible de ne pas mentionner les révoltes populaires survenues au Soudan puis en Algérie cette année. Ces peuples unis ont brisé le mur de la peur de manière pacifique avec résilience et dignité. Une leçon de courage et d’humanité. Comme beaucoup, je garde en tête l’image symbolique de cette étudiante soudanaise toute vêtue de blanc, Alaa Salah, juchée sur une voiture, le doigt levé, haranguant la foule de manifestants en chantant des hymnes révolutionnaires… »
Le film Les Misérables de Ladj Ly (sorti en salle en novembre 2019)
« Un film poignant qui traite avec justesse et sans manichéisme de la réalité des quartiers populaires situés de l’autre côté du périph’ parisien et de ses habitants : des policiers de la BAC aux gamins des cités. Ladj Ly, qui a grandi dans les tours des Bosquets de Montfermeil, réalise 20 ans après La Haine un premier long-métrage de fiction qui puise dans les codes du documentaire. Il ouvre la voie à une nouvelle génération de réalisateurs qui souhaitent se réapproprier leurs récits. Primé à Cannes, Les Misérables pourrait bien rafler l’Oscar du meilleur film étranger en 2020. »
François Oulac, journaliste podcast Le Tchip
François Oulac
La condamnation de Nick Conrad (mars 2019)
« La condamnation en justice du rappeur Nick Conrad pour “provocation au crime”, avec son clip “Pendez les Blancs”, est l’actu qui m’a le plus marqué en 2019. La couverture médias était hystérique, la décision de justice quasi inédite… Il n’y a pas un aspect de ce fait divers qui ne soit pas passionnant. J’ai eu l’occasion de rencontrer et interviewer Nick. Sa condamnation en dit long sur la mentalité française. »
La fin de Game of Thrones (mai 2019)
« Chacun son avis sur la qualité du finale de GoT, mais pour moi c’est l’un des événements pop culturels les plus importants de 2019. Ne pas en avoir parlé dans Le Tchip reste mon plus grand regret. Cette série était un formidable déclencheur de débats sur les questions de représentation et d’identités à la télévision et dans la fantasy. Et puis, je suis soulagé soulagé de voir se terminer l’hystérie collective que déclenchait chaque épisode… »
Miss Guadeloupe devient Miss France (décembre 2019)
« En tant que Guadeloupéen je suis obligé d’en placer une pour Clémence Bottino ! Ma cousine fait partie du comité Miss Guadeloupe, et regarder le concours de miss France, c’était un rituel familial quand j’étais plus jeune. Très heureux donc de voir Miss Guadeloupe remporter la couronne, surtout cette année où les planètes se sont alignées en termes de représentation de la beauté noire avec miss Univers, miss USA, etc. »
Estelle Ndjandjo, journaliste basée à Dakar (Reuters)
Le lancement de la marque Fenty Beauty par Rihanna (mai 2019)
« C’est un vrai tournant ; Riri est la première femme noire à lancer sa propre marque de luxe éponyme -Fenty est son nom de famille ! Son Savage Fenty Show a ringardisé le Victoria Show, organisé par deux hommes cis hétéro, tellement que ce dernier a été annulé cette année ! Le fait qu’elle intègre tant de diversité (des personnes handicapées, plus size etc) m’a permis de questionner mon propre regard, mes attirances. Cet esprit inclusif véhiculée par la marque va donner le tempo des années 2020. »
« J’y suis allée plusieurs fois, avec des ami.es, en famille… J’y ai rencontré une femme venue de Guadeloupe qui y était avec ses enfants et m’a confié que c’était la première fois qu’elle mettait les pieds au Musée d’Orsay! Plus de diversité attire forcément un public plus large… Ayant fait des visites du Paris Noir, j’ai encouragé le public à la voir en complément. Le bémol : le plus souvent, les œuvres montraient les noir.es en position d’infériorité. On pourrait prendre des images de notre époque, faire une exposition parallèle et on constaterait la même chose. Ce qu’il est important de retenir, c’est qu’il s’agit de constructions sociales. »
« Cela m’a bouleversée. Je ne pensais pas que ce serait aussi difficile à digérer. R. Kellyincarne le plus haut niveau de masculinité noire toxique. Il savait que personne ne se préoccuperait du sort de femmes noires. Il aurait du aller en prison depuis longtemps mais il a été protégé car il est célèbre, riche et très influent dans le monde du R&B. Un an après l’affaire Weinstein, personne n’a écouté les familles qui l’accusent. Il y a aussi un côté Cosby dans cette histoire ; il s’agit d’une grande figure de la communauté noire. »
Eric Amiens, journaliste (RFI)
Eric Amiens
L’avènement des Miss noires
« C’est la première fois qu’autant de femmes noires sont couronnées dans des concours de beauté : en janvier 2019, Khadidja Benhamou a été élue Miss Algérie. Le titre de Miss Monde 2019 est revenu à la Jamaïcaine Toni-Ann Singh. La Miss Guadeloupe, Clémence Botino, est élue Miss France 2020. Les réactions sur les réseaux sociaux n’ont pas été toujours très tendres avec ces femmes. Mais une chose est sûre : ces élections bousculent les codes de la beauté. Les traits négroïdes sont reconnus et valorisés. La beauté est plurielle. Des têtes bien faites n’empêchent pas des têtes bien pleines. Clémence Botino a obtenu la meilleure note au test de culture générale, de Miss France avec une note de17,5 sur 20. « La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert » dit André Malraux.«
Le vote du dépistage du chlordécone taux de chlordécone (décembre 2019)
« L’Etat a été reconnu comme « premier responsable » de la pollution au chlordécone par une commission d’enquête parlementaire. Le Chlordécone a été utilisé par des dérogations signées par les ministères de l’agriculture jusqu’en 1993 dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique. Pourtant, dès 1979, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déclaré ce produit toxique et cancérigène. On estime aujourd’hui que 95 % de Guadeloupéens et 92 % de Martiniquais sont contaminés par le chlordécone. Le Sénat a voté le 4 décembre 2019 la prise en charge du dépistage du taux de chlordécone dans le sang des guadeloupéens et des martiniquais. »
La réforme monétaire du franc CFA(décembre 2020)
« Le Franc CFA créé en 1945 et qui signifiait «franc des colonies françaises d’Afrique» puis renommé «franc de la Communauté financière africaine», peu après les indépendances des pays d’Afrique en 1960 va devenir l’«Eco». Une réforme monétaire qui intervient après de fortes critiques sur le franc CFA. Des Anti FCFA considèrent cette monnaie comme un outil de servitude, un symbole post-colonial » assurant « la mainmise de la France sur l’économie africaine ». L’Eco sera adoptée par huit pays d’Afrique de l’Ouest. (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo). Le remplacement du franc CFA laisse dubitatifs certains africains pour d’autres c’est une avancée vers la souveraineté monétaire. »
C’est une grande figure intellectuelle et politique, unapologetically black, que L’Afro a l’honneur de recevoir le 7 novembre 2019. Enseignante, mère de famille, activiste, poète, féministe… Sonia Sanchez fait le voyage, depuis Philadelphie, où elle réside, pour présenter « Prochain arrêt pour le Bronx et autres pièces ». C’est son tout premier ouvrage, traduit en français par Sika Fakambi et publié par L’Arche éditeur, maison septuagénaire qui édite, entre autres, certaines des oeuvres de Leonora Miano. L’Arche est aussi une agence théâtrale et représente également l’autrice et performeuse Rébecca Chaillon.
On espère que vous serez au rendez-vous le 7 novembre au Hasard Ludique à partir de 19h. Pour les informations, – déroulé et informations pratiques-https://www.facebook.com/events/468836990397262/
Son oeuvre littéraire est prolifique et accessible ” Sonia Sanchez rend le monde meilleur ; plus vivable, plus drôle, plus facile. Je souhaite que des millions de personnes sachent qu’une partie de la joie qu’ils ont dans leurs vies découle du fait que Sonia Sanchez écrive de la poésie » Maya Angelou -que la terre lui soit légère- parlait ainsi de son amie, poétesse et autrice, née en 1934 à Birmingham, en Alabama. Sonia Sanchez s’est retrouvée à plusieurs reprises en discussion avec certaines de ses illustres amies poètes et autrices comme Audre Lorde ou encore Toni Morrison, ici ou encore là. Ou encor à enseigner leurs oeuvres.
Sonia Sanchez a décrété que sa mission était de faire aimer la poésie – la sienne mais aussi celle des autres- à celles et ceux qui ne l’aimaient pas. Outre l’enseignement, l’engagement politique, elle a construit une oeuvre prolifique, commencée avec la publication du recueil de poèmes Home Coming en 1969. Plus de seize ouvrages, dont I’ve Been a woman, We a BaddDDD People ont suivi. Son travail sur la langue et la forme que peut prendre le poème sont indissociables de la retranscription de l’expérience d’être noir.e dans son oeuvre.
Elle a participé à la fondation du Black Arts Movement Avec The Last Poets, elle fait partie des dernières figures de ce mouvement qui a marqué l’histoire culturelle, politique et intellectuelle des Etats-Unis. Le BAM a ouvert une décennie de création, d’émulation entre 1965 et 1975. Un des contributeurs du mouvement, Larry Neal écrit en parlant de ce mouvement que « c’est la petite soeur spirituelle et esthétique du concept de Black Power [car] tous deux largement reliés au désir des Afroaméricain.e.s de s’autodéterminer ». Des musiciens comme Gil Scott-Heron, John Coltrane, des auteurs comme Amiri Baraka, qui l’a créé suite à la mort de Malcolm X, notamment, le font vivre. Ce dernier déménage alors symboliquement vers Harlem et crée un Le mouvement est très masculin, mais Sonia Sanchez fait partie des figures féminines qui réussissent à faire entendre leurs voix, comme Lorraine Hansberry, Nikki Giovanni ou encore Audre Lorde. Le mouvement bien que controversé à des endroits a permis de changer la manière dont les afroamérican.e.s étaient représenté.E.s à l’époque et ont considérablement influencé des autrices et auteurs jusque maintenant.
Elle a contribué à l’émergence des black studies
Alors qu’elle enseigne à l’université de San Francisco, elle donne un cours sur la littérature afro-américaine, principalement basé sur des autrices noires. Il est pour beaucoup le premier du genre donné dans une université majoritairement blanche aux Etats-Unis. Sonia Sanchez est souvent représentée comme étant l’une des personnalités qui a contribué à installer les Black studies.
Elle a été aux premières loges du combat pour les droits civiques Sonia Sanchez est née en Alabama, à une époque où il était illégal pour les Noir.e.s et les Blanc.he.s de fréquenter les mêmes espaces. Sa poésie de combat est influencée notamment par les actrices et acteurs des droits civiques, dont Malcolm X, avec qui elle a un temps cheminé. Elle a adhéré au chapitre de Harlem du Congress of Racial Equality (CORE) et a participé à la Marche pour l’emploi et la liberté de Washington en 1963.
Son travail est reconnu par la nouvelle génération Plus généralement, elle a marqué toute une génération d’artistes notamment celles et ceux qui officient dans la musique rap. Entre 2002 et 2007, le rappeur Mos Def avait son émission où défilait la crème des écrivain.e.s et artistes. Amiri Baraka, Saul Williams, Erykah Badu entre autres y sont passées. Sonia Sanchez aussi, évidemment.
On ne compte plus les multiples récompenses qu’elle a reçues- la plus récente c’est l’Anisfield Wolf award, dont elle a été récipiendiaire en mars 2019 – .Elle est aussi au centre de BadddDDD Sonia Sanchez, un documentaire réalisé par Barbara Attie, Janet Goldwater et Sabrina Schmidt Gordon. Le film a été nommé aux Emmy en 2017. Ainsi, les rappeurs Mos Def et Quest Love y ont témoigné.
Partout dans le monde, les initiatives pour rendre les femmes plus audibles et plus visibles se multiplient. A Abidjan, Shayden, chanteuse originaire de l’ouest du pays, s’apprête à lancer du 20 au 22 juin la troisième édition de son festival 100% féminin et artistique Lili Women Festival avec au programme concerts, ateliers, remise de prix. Un événement annuel créé à travers son agence de promotion culturelle Léliai & Company. Cette année, elle a décidé de faire un focus sur les violences faites aux femmes et organise en amont du le festival une marche « Speak for her » à Abidjan samedi 25 mai à 9h au départ du Carrefour de la Vie (Cocody) pour éveiller les consciences des citoyen.nes et de l’Etat à ce sujet. Elle a accepté de répondre aux questions de L’Afro.
Pouvez-vous
vous présenter ?
Je suis Shayden, chanteuse. J’ai participé à la première édition The Voice Afrique francophone avec Singuila. Avant ça, j’ai présenté des émissions culturelles et artistiques sur la chaîne VoxAfrica. Après The Voice, j’ai voulu réunir des artistes sur la même plateforme car il y a peu de place pour la scène underground en Côte d’Ivoire, or je suis persuadée que les plus belles pépites brillent souvent dans l’ombre.
Shayden, chanteuse et fondatrice du Lili Women Festival
Pouvez-vous
nous en dire plus sur le concept Lili Women Festival ?
J’ai décidé de me centrer sur les femmes. Je trouve que depuis Nayanka Bell, la scène musicale ivoirienne du côté des chanteuses a perdu en valeur sauf en ce qui concerne Josey qui sait vraiment chanter. C’est dommage car la Côte d’Ivoire est connue pour être la plaque tournante de la musique africaine. Il est donc paradoxal de ne pas avoir de plateforme pour la valoriser. Le festival a été conçu pour montrer les femmes artistes mais aussi pour les former car être chanteuse, ce n’est pas uniquement être devant un micro. D’ailleurs, il n’y a pas que le chant, il y a aussi la danse, le stylisme … les femmes sont peu représentées dans les domaines artistiques en général. C’est pourquoi depuis la première édition axée sur la musique, quatre autres disciplines se sont ajoutés à partir de la seconde incluant les arts visuels comme la peinture ou la photographie et les arts de la scène comme la danse et le théâtre.
Comment
les femmes sont-elles formées durant le festival ?
Par le biais d’ateliers qui auront lieu les 15 et 16 juin. Il y aura notamment Edith Brou, qui gourou du web et blogging, fondatrice de la start-up Africa Contents Group et qui n’est plus à présenter à Abidjan qui expliquera aux artistes comment valoriser leur travail sur les réseaux sociaux. Il y aura aussi Paule-Marie Assandre, (créatrice de l’atelier de danse Body Acceptance ndlr) qui donnera des conseils aux femmes pour s’accepter avec leurs défauts et leurs qualités, qu’elles soient foncées de peau, claires de peau, chevelue ou non … Qu’elles acceptent ce qu’elles sont à l’intérieur pour que cette beauté éclate à l’extérieur. Enfin, Amie Kouaméet son concept « Superwoman » confronte l’ancienne génération avec la nouvelle pour développer le côté mentorat. Ces ateliers s’adressent avant tout aux artistes mais sont ouverts à tout le monde.
Le
Lili Women Festival est soutenu par la Commission
Nationale Ivoirienne pour l’UNESCO. De quelle nature est ce
soutien ? Financier ? Logistique ?
Dès que j’ai lancé le festival, la Commission a répondu favorablement et mis à disposition des rapports avec des chiffres notamment sur les violences faites aux femmes ou m’a guidé quant au choix des intervenantes pour les ateliers. Je leur suis reconnaissante. Il n’y a pas d’aide financière pour le moment ; le fonctionnement du festival dépend à 99% de mes fonds propres et de ce que j’appelle la « love money », c’est-à-dire de l’argent venant des gens de ma famille et de celles soutenant mon travail. Ici à Abidjan, aucune entreprise ou structure ne veut accompagner un projet nouveau, il faut un projet bien installé, depuis 6 ou 7 ans. Chose que je trouve paradoxale car si on est déjà bien développé, on n’a pas besoin d’aides mais je le fais sans ça. Je regarde surtout ce que ça apporte aux chanteuses car beaucoup ont voulu abandonner et sont motivées à nouveau grâce au festival.
La première édition était un test pour voir si elles voulaient travailler ensemble. Ce qui m’importe, c’est la notion de communauté. Il n’y avait pas de thème sur la première édition. C’est à la seconde que j’ai décidé de centrer le festival sur une thématique, celle de la recherche d’identité en tant que femme artiste.
Qu’est-ce
que la campagne « Speak for her » ?
Il est important d’avoir un impact réel. Or, les artistes en Côte d’Ivoire sont très loin de la vie sociale, ne sont pas impliqué.es dans la vie des gens qui la font. Pourtant, un.e artiste sans public, ça n’existe pas. Utiliser la force de la communication pour sensibiliser sur la question des violences faites aux femmes en Côte d’Ivoire face au déni de la population et la non-prise en charge par l’Etat, les artistes ont une responsabilité, un rôle d’éducat.eur.ices de la société. J’ai donc pensé à lancer la campagne « Speak for her ». Ce qui a motivé au départ cette action, c’est que je connais une femme qui en a été victime. J’ai ensuite été scandalisée en découvrant que la loi ivoirienne ne défend pas les femmes. Le viol est considéré comme un délit, plutôt que comme un crime.Le harcèlement n’est défini dans aucun texte de loi. Rien n’est fait. J’ai rencontré des juges, juristes, avocats, tout le monde a conscience qu’il y a un problème mais personne ne les pousse à réviser les lois, c’est donc à nous les femmes de le faire. Il n’y a pas d’endroit en Côte d’Ivoire pour que les victimes puissent se retrouver. Alors en général, elles restent dans leurs foyers pour les enfants. Certaines, dans le pire des cas, y perdent la vie. Non, cela n’arrive pas qu’ailleurs. Les chiffres de l’ONU-femmes et de l’OMS sur les violences faites aux femmes en Côte d’Ivoire dévoilés en 2018 m’ont indigné : 52% des filles et femmes excisées, entre 60 et 70% de femmes victimes de violences physique et sexuelles … des chiffres qui sont par ailleurs inexacts car des femmes se terrent dans le silence, par honte ou peur de représailles.
La marche « Speak for her » est donc une façon pour moi d’apporter ma pierre à cette cause. J’ai réuni des artistes comme Josey et d’autres issu.es de la jeune génération mais aussi des personnalités politiques comme Yasmina Ouegnin, députée de la commune de Cocody qui a accepté de participer à la marche. On sera tou.tes vêtu.es de blanc, symbole de la paix. C’est la première fois à Abidjan qu’une marche de ce genre a lieu. On attend 300 personnes.
Les femmes ne demandent pas à être supérieures aux hommes mais juste à avoir la même place qu’eux.
Pourquoi
le nom « Speak for her » ?
Le nom « Speak for her » (parler pour elle ndlr) est partie d’une discussion avec cette femme de mon entourage qui a vécu des violences et m’a dit « je souffre mais je vais le dire à qui ? Qui va parler pour moi ? ». Elle cherche une personne qui va être garant.e de cette douleur. Cette phrase m’a marquée. Une autre phrase bien connue en Afrique dit que « les grandes douleurs sont muettes ». Je veux donc parler pour elle et je veux que les gens le fassent aussi mais aussi pour les jeunes filles mariées trop tôt, excisées, pour celles pour qui la scolarisation reste un combat. J’ai choisi une formulation en anglais car c’est l’une des langues les plus utilisées dans le monde. Mon objectif à long terme : créer une plateforme voire une fondation où ces femmes pourraient se réunir, se retrouver et où on puisse leur apporter toute l’aide nécessaire.
Il est important pour moi qu’il y ait aussi des hommes dans la campagne débutée en ligne et le jour de la marche, car bien que les violences soient exercées par les hommes, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Il y a aussi ce que j’appelle des vrais hommes, des défenseurs des femmes, qui leur donnent la valeur qu’elles doivent avoir, qui se comportent de façon noble avec elles. Les gens ont tendance à oublier que cela devrait être normal. C’est aussi une façon de remercier ces hommes.
Qui
est-ce que vous attendez à la marche du 25 mai?
En plus des artistes, toutes les personnes qui se sentent concernées par la question : on pense à son enfant qui peut être violé, victime de harcèlement etc.
Le public ivoirien est un public difficile, a tendance à plus accepter ce qui vient de l’extérieur. Aujourd’hui, on dirait que si tu fais pas de coupé-décalé, tu n’as pas ta place sur la scène musicale. Ici, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de place pour des vrais mélomanes avec des paroles, de la musique, de la recherche. Il y a d’autres choses qu’on doit exploiter, on n’a pas véritablement une coloration musicale, je trouve que notre musique s’exporte très mal comparée aux Naijas dont Wizkid programmé à Coachella l’an passé, à quel moment nos artistes pourront prétendre y être à l’affiche? Je n’ai rien contre le coupé-décalé mais je pense notamment aux médias qui ne prêtent pas attention à des artistes qui font autre chose que ça.
Je me souviens, après avoir fait mon album, j’ai démarché une grande radio nationale afin que mes chansons puissent y être passées et on m’a dit que pour que ça marche, il faudrait que je me mettre à faire du coupé-décalé. Mais les auditeurs n’écoutent que ce qu’on leur donne.Si on leur met aussi du zouglou, du jazz et autres, ils auront un choix plus éclectique.
Vous
organisez également en clôture du festival une remise de prix.
La remise de prix est apparue à la seconde édition. Je suis très à l’écoute de ce que les gens disent pour améliorer le festival. Quelqu’un a dit après la première édition « si j’avais de l’argent, je t’aurais donné un prix » à l’adresse d’une des artistes qui venaient de faire une prestation exceptionnelle. Cette soirée est pour moi la partie la plus stimulante car quand on est artistes indépendant.es, on se sent aller à contre-courant et le découragement nous frappe souvent. Il est important de récompenser ces artistes qui, avec très peu de moyens, font des albums de meilleure qualité que d’autres plus visibles. Mais attention, il s’agit de récompenser sur le mérite et pas par copinage, contrairement à beaucoup d’événements qui ont lieu en Côte d’Ivoire. J’aimerais en faire un événement à part entière sur le long terme.
Je ne suis pas contre les artistes qui ont déjà de la notoriété, certain.es bossent dur mais je recherche une certaine équité entre les undergrounds et les plus commerciaux.
Je sais ce qu’on peut vivre quand on est artiste underground. On me demande parfois pourquoi je ne mets pas cet argent pour produire mes propres albums. Kajeem, artiste reggae ivoirien, m’a tendu la main à un moment où j’ai voulu tout laisser tomber et je trouve donc qu’il est primordial de se soutenir. Je veux aussi qu’on puisse se dire qu’on peut rêver grand, c’est aussi le message que j’envoie aux jeunes ou moins connues artistes qui partageront la scène avec Nayanka Bell, tête d’affiche, après ne pas être montée sur scène depuis de nombreuses années. Pour cette troisième édition, elle jouera ses classiques et défendra ses nouveaux titres. C’est tout de même une de nos divas, elle a contribué à placer très haut la musique ivoirienne.
J’aimerais qu’on puisse être récompensé.e aux Grammys. La seule ivoirienne à l’avoir été, c’est Dobet Gnahoré et ça fait longtemps ! (en 2010 ndlr)
Dobet Gnahoré a été marraine de la première édition, elle donne énormément pour les jeunes talents, je ne la remercierai jamais assez, elle est exceptionnelle ! Cette année, notre marraine est la directrice des Beaux-Arts d’Abidjan Mathilde Moraux.
Deux
choses à voir absolument pendant le festival ?
L’exposition qui est un des temps forts, le 20 juin, lors de la première journée du festival. On abordera la question des violences faites aux femmes, de façon artistique en reprenant une des traditions liées à mes origines -je suis Bété de l’ouest de la Côte d’Ivoire. -J’en profite par ailleurs pour souligner que la jeunesse perd les traditions et comme dit Kajeem : « il faut avoir les pieds dans la tradition, la tête dans les satellites ».
Pour cette exposition, on se réunira autour d’un feu pour trouver une solution à un problème comme la tradition Bété l’exige. Ce sera un moment particulier et je dirais même que rater ce moment sera rater le cœur du festival. Egalement la cérémonie de récompense, qui me fait oublier toutes les difficultés quand je vois les femmes artistes émues aux larmes.
Un
mot de la fin ?
Merci toutes les personnes qui m’aident avec peu de moyens et m’accompagnent depuis Culture Riche, Iris Medias, médias dirigés par des femmes comme Ayana Webzine aussi depuis le départ. Dire merci à tous les festivaliers venus aux deux dernière éditions et reviendront j’espère à la 3ème.