IMMERSION – Afroxploitation / Afroparisian network : 1 réseau 2 afterworks

REPORTAGE – Afroxploitation est un jeune afterwork parisien, destiné aux créatifs afrodescendants, dont le troisième rendez-vous se tient ce 18 janvier à la Colonie dans le 10ème arrondissement. Pour Afriscope, L’Afro s’est rendue également à l’événement de mise en réseau proposé par le danseur-chorégraphe Qudus Onikeku. Regards croisés.

Dans un canapé, une femme soupire. « Les Africains, c’est toujours la même chose ! » Quelques personnes sont déjà arrivées, à l’espace Dojo Créa, près de la porte du faubourg Saint-Denis (Paris 10e) pour participer à l’afterwork AfroParisian Network, organisé par Qudus Adéremi Onikeku. Le danseur-chorégraphe qui vit entre la France et le Nigéria, est « dans les bouchons ».

Petit à petit, la salle se remplit. Aset Malanda, auteure d’un livre sur le cinéma nigérian s’occupe de détendre tout le monde, qui se découvre, quand il ne se reconnaît pas, et prépare de quoi sustenter et rafraîchir les participants.

Depuis quelques années, Qudus réunit des artistes comme le réalisateur Ruddy Kabuiku, 32 ans, qui a atterri dans l’événement grâce à Aset. « Elle m’en a parlé comme d’un rassemblement de créatifs, de gens qui font des projets et les présentent. Un moment durant lequel il est possible de réseauter », nous dit l’auteur du documentaire L’ Amour en cité.

Après les présentations, Chris de Négro, humoriste, se place au centre pour tester ses blagues sur l’auditoire. « Cela m’a intéressé car en tant qu’afro on a toujours l’impression qu’il n’y a pas grand-chose qui se passe. Mais en réalité, c’est juste l’exposition qui manque. Donc c’est une bonne opportunité de rencontrer des gens et de voir ce qui se fait. »

Trouver des opportunités professionnelles

AfroParisian Network n’est pas le seul afterwork dédié aux créatifs afro à Paris. Afroxploitation, né en juillet 2015 dans le jardin de Leonce Henri Nlend, comédien et metteur en scène du récent spectacle DjeuhDjoah qu’est-ce que tu Fela, est aussi de ceux-ci.

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Là où, chez Qudus, on est accueilli par une lumière franche, un tour obligatoire pour se connaître, c’est l’ambiance feutrée du bar le Next Club (Paris 2e) qui nous attend et Kristell Diallo, responsable de la communication et de coordination , pour le tout jeune Afroxploitation. « C’est un événement pour le réseau artistique afrodescendant parisien. C’est une occasion pour ses membres de se connaître, de se rencontrer et de faire des projets « , explique la jeune femme.

Dans la salle, une trentaine de danseur.se.s, comédien.ne.s, chercheur.se.s. discutent. Lors de la première édition, Léonce a trouvé des collaborateurs pour sa pièce, « des musiciens envisagent de travailler ensemble », confirme Kristell.

Alain Bidjeck fréquente les deux. Porteur du projet du Mois des cultures de L’ Afrique(1), l’entrepreneur apprécie comme Ruddy de se retrouver dans un espace « accueillant, qui peut inspirer et susciter l’envie de s’exprimer » et se dit « décomplexé de voir d’autres créer ».

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Besoins de structuration

Ruddy confesse que seule « l’effervescence d’Afro/Parisian Network » lui a permis de faire ces rencontres, soulignant une nouvelle fois le manque de visibilité des initiatives portées par des personnalités afrodescendantes. « Ici, j’ai pu prendre connaissance d’un projet de livre sur l’histoire africaine racontée aux enfants, c’est intéressant ! », donne-t-il pour exemple. Il continue : « Rencontrer des gens permet de rester à la page et de se donner de la force. Qudus est nigérian, moi lillois, ayant vécu au Canada et désormais parisien : nos réalités, nos perceptions sont différentes, donc enrichissantes. Enfin, le côté informel me plaît car ça n’engage à rien : pas de contrat, pas d’obligation ».

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Alain Bidjeck acquiesce : « Afro/Parisian Network doit être accompagné d’autres actions, du conseil, de l’accompagnement de montage de projets, du parrainage ». Si des structures spécialisées en direction des personnes afro manquent, le concept des afterworks Afroxploitation et Afro/Parisian Network de Qudus reste porteur. Ce dernier conclut le sien par une performance dansée, dans sa volonté d’échange et d’expériences. Il semble que la boucle est bouclée, il est temps de rentrer.

[1] GRAND RENDEZ-VOUS CULTUREL DU GRAND PARIS D’ARTISTES D’ORIGINE AFRICAINE QUI A EU LIEU DU 30 AVRIL AU 30 MAI 2016

Publié initialement en janvier 2016 dans le magazine Afriscope

Pourquoi L’Afro ?

Nous sommes deux jeunes femmes noires, journalistes, résidant à Paris. C’est en travaillant pour Afriscope que nous nous sommes rencontrées et avons eu l’envie et l’idée de créer une série centrée autour des soirées afroparisiennes, avec ce constat essentialisant : les Noir.e.s sortent, mangent, dépensent, organisent mais on ne les voit pas « vraiment » dans les publications « mainstream ». Elleux sont là pourtant, et nous voulons les montrer / raconter.

Il n’y a pas « les Noir.e.s », il y  a aussi et surtout des histoires, leurs histoires. Nos histoires.

En allant l’étranger, en y grandissant, travaillant, étudiant, passant, ou en y connaissant des gens, on s’est rendu compte combien la France garde l’image d’un pays monochrome. Si nous sommes des citoyennes du monde, nous sommes dans la représentation de certain.e.s des Afroaméricaines, des Africaines, mais pas des ressortissantes françaises, voire européennes.

Ce constat s’est étendu à tous les domaines et nous nous sommes bêtement dit que nous voulions raconter les histoires (afro)françaises que nous aimerions lire, pouvoir parler de gens, d’initiatives qui pourraient intéresser des lecteurs et qui plairaient à nos proches.

Nous voulons poser notre regard critique et curieux sur une partie de la population qu’on dit invisibilisée, repliée sur elle-même ou agressive, toujours dans des discours victimaires mais dont on ne parle jamais dans le fond : les Afrofrançais, afrodescendants, noir.e.s de France, peu importe le label, un genre de quotidien qui s’intéresse à tout et particulièrement à elleux.

Nées en France de parents africains, ouvertes au monde comme eux, qui sont venus jusqu’ici, nous n’avons pas la prétention de parler au nom de qui que ce soit, pour la communauté noire ou le continent africain. Nous voulons nous centrer sur ce qui se passe d’où vous/nous parlez/parlons, Paris, la région parisienne, la France, les Internets, là où vous/nous allez/allons, en Turquie, en Allemagne, en Afrique, aux Etats-Unis…

C’est pourquoi c’est aussi un blog participatif, donc on espère que nous serons plus que deux plumes et que vous aurez envie de contribuer, que ce soit en donnant de la voix, par écrit, en dessinant ou toute autre expression qui vous plaira.

Voilà pourquoi nous avons décidé de créer L’Afro : exercer notre métier bien-aimé, difficile, mal-compris et mal-aimé parfois à raison, à coups de reportages, d’enquêtes et tout autre format qu’il nous/vous plaira d’investir. Ce projet n’aurait sans doute pas existé sans le travail qu’ont débuté et poursuivent des journalistes qui nous ont inspiré, par leur volonté entrepreneuriale, leur envie de rencontrer et de raconter les gens, Hortense Assaga en tête.

Le travail des médias comme Negro News, Noir et Fier, pour ne citer qu’eux, les forums auquels on a participé, qu’on a assidûment fréquenté et une certaine blogosphère, souvent féministe, dont nous nous sentons proches, à la cybermine de crayon souvent très affûtée et ses figures telles qu’Amandine Gay, Joao Gabriell, -la liste est longue- ont largement contribué à renouveler le discours sur la société dans laquelle on vit.

Merci à elleux et merci à vous de lire nos contributions !