#Unjouruneactriceafrofrançaise #9 : Sara Martins

TROMBINOSCOPE – Parce qu’on n’en peut plus d’entendre que les comédien.ne.s noir.e.s en France sont invisibles, qu’on n’en connaît peu, que si, que là… on a décidé d’en présenter un.e, brièvement, tous les jours. Aujourd’hui : Sara Martins.

Invisibles, les comédien.ne.s afrofrançais.e.s ? Pendant que nous nous demandons si nous sommes capables d’en citer plus de cinq, ces artistes s’affairent sur les plateaux de cinéma, les planches.

Loin de nier la ligne de couleur qui règne au théâtre, au cinéma, à la télévision et malgré des améliorations, nous voulons les mettre en valeur, à la suite d’autres, justement parce qu’il peut être difficile de savoir où et quand illes jouent.

Vous trouverez ici chaque semaine le nom et la photo d’un.e comédien.ne noir.e, sa date de naissance, son premier film, les films marquants dans lesquels ille a joué, son dernier rôle. Aujourd’hui : Sara Martins.

Sara Martins © JLPPA / Bestimage
Sara Martins © JLPPA / Bestimage

Sara Martins est née en 1977.

Elle est apparue dans Paris, je t’aime, le film choral de Cédric Klapisch en 2006, Mes Copines de Sylvie Aymé, la même année, aux côtés de Léa Seydoux, L’Heure d’été d’Olivier Assayas en 2007. Elle a joué dans Les petits mouchoirs de Guillaume Canet en 2010 ; elle incarnait l’amie lesbienne de Marie, incarnée par Marion Cotillard.

Au théâtre, où elle a débuté en 1995 dans Le Radeau de la Méduse, une pièce écrite et mise en scène de Roger Planchon ; elle a notamment joué dans Le Costume, la pièce du Sud-Africain Can Themba, mis en scène par Peter Brook en 2003. Elle était sur les planches dans Race, la pièce de David Mamet en 2012, aux côtés de Yvan Attal.

À la télé, après avoir joué dans Avocats et associés, Le Proc, Louis Page, Les Bleus, premiers pas dans la police, PJ, Pigalle La nuit, elle a tenu les rôles récurrents de Nora Abadie dans Détectives pour la saison 2013-2014 et du sergent Camille Bordey dans la série franco-britannique Meurtres au paradis de 2011 à 2015.
Elle sera également au casting de Meurtres à la Montagne Pelée, produite par France Zobda.

MILITANTISME – Les enfants adoptés : la cause de la militante afrodescendante Tauana Olivia Gomes Silva des Peaux Cibles

Tauana Gomes Silva
crédits : Tauana Gomes Silva
ENGAGEMENT- Qu’elleux s’expriment sur la toile ou organisent des manifs, pour l’environnement, contre le “blackface” ou la “misogynoir”, les Afrodescendant.e.s militent. Pour la première interview de ce format, L’Afro a parlé avec Tauana Olivia Gomes Silva, militante du collectif afroféministe rennais Les Peaux Cibles. 

Militer : vb. Agir, combattre pour ou contre quelqu’un, quelque chose. L’Afro va à la rencontre des Afrodescendant.e.s qui veulent voir changer le bout de leur rue ou du monde et inaugure sa série d’entretiens « Afro et engagé.e ». Aujourd’hui, c’est Tauana Olivia Gomes Silva, militante associative dans Les Peaux Cibles, un collectif afroféministe de Rennes qui s’exprime. 

Qui êtes-vous ? 

Tauana Olivia Gomes Silva, 31 ans, femme « métisse » noire, brésilienne, adoptée pendant l’enfance par une famille brésilienne, bisexuelle, immigrée, arrivée en France en janvier 2006 en tant que fille au pair, ancienne sans-papiers, étudiante, précaire. Je viens de la campagne brésilienne, d’une ville très connue d’où les personnes immigrent de manière illégale pour aller chercher du travail aux États-Unis.

J’ai choisi la France, où j’ai débarqué seule, avec quelques euros en poche pour étudier le français. À cette époque, je voyais ce pays comme celui des droits de l’homme par excellence, où tout était possible. J’avais un visa, mais je suis devenue clandestine après quelques mois sur place. Ma patronne n’a pas voulu signer mes papiers pour le renouvellement du récépissé de séjour. Pendant une période, j’ai donc travaillé chez elle en échange d’un toit et de la nourriture. J’ai rencontré un Français, avec qui je me suis mariée : notre union, dans laquelle il y a beaucoup d’amour et de soutien, tient toujours. J’ai eu ma carte de séjour et je suis retourné à l’université, où j’ai fait une licence et un master d’histoire. Je suis actuellement doctorante en histoire et travaille sur une thèse portant sur La participation politique des femmes noires dans les mouvements de gauche pendant la dictature militaire au Brésil (1964-1984).

Pour quelle cause militez-vous ?

Actuellement, je suis aussi engagée dans la lutte des enfants adoptés. Parler de l’adoption n’est pas très facile que les gens idéalisent beaucoup. Cette thématique est très importante pour moi car comme cela a été  le cas pour moi, la majorité des familles qui adoptent sont blanches et les enfants sont racisé.e.s. Les questions raciales commencent donc à la maison et les familles ne sont pas préparées à les gérer.

Depuis combien de temps vous militez ?

Depuis 2005.

Êtes-vous encarté.e ? Dans une association ? Dans une ONG ?  Sympathisant.e de mouvement ?  

Je fais partie des Peaux cibles- Collectif Afroféministe de Rennes.

Comment le vivent vos proches ?

Ils sont au Brésil et vivent très bien mon militantisme car c’est très courant chez moi. Les femmes noires brésiliennes sont mobilisées depuis la fin du XIX siècle. Ils sont aussi très fiers de moi ; que je fasse mon doctorat en France est très important pour eux. C’est un signe de réussite. Par contre, avec mes proches en France -ma belle-famille,  principalement-, on ne discute pas de ma vie de militante afro féministe.

Le moment fondateur qui vous a poussé à l’action ?

Mon retour du Brésil, où je rentre très régulièrement, en janvier 2015. En 2014 j’y ai retrouvé ma mère biologique, un frère donné aussi à l’adoption et un autre frère, décédé. Je suis toujours à la recherche de mon père biologique. Jusqu’en 2015, je ne voyais pas l’intérêt de militer ici, car je souhaitais rentrer au Brésil dans les plus brefs délais, mon séjour en France devant durer juste le temps de finir mes études dans mon esprit. Face à la grande mobilisation des femmes noires brésiliennes et mes 12 mois à leurs côtés, je suis retournée en France avec le désir de tourner mon militantisme vers le pays où je réside maintenant depuis 10 ans, une manière également de ne plus me sentir isolée en France.
Je souhaite toujours rentrer au Brésil, mais je me suis dit qu’il était temps de commencer à penser plus au pays où je me suis installée. En tant qu’immigrée, il m’a fallu pourtant neuf ans pour m’identifier avec les femmes noires « françaises ».

Quelles sont les réactions des gens lorsque vous leur révélez la cause pour laquelle vous militez ?

Avec les non racisé.e.s : C’est du communautarisme, du racisme anti-blanc, les races n’existent pas, on est tous humains, il y a des cons partout, tu es un peu parano…Heureusement, maintenant que je fais une thèse sur l’Histoire des femmes noires, j’arrive à avoir un peu plus de crédibilité. Cependant, il est toujours difficile de parler de la lutte contre la négrophobie en France.

Quel est votre mode d’action préféré ?

Les réunions, conférences, débats non-mixtes avec les différents mouvements afro-féministes en France.

Qu’est-ce qui, selon vous, empêche principalement votre cause d’avancer ?

Les discours français qui nient l’existence de la race et du racisme en France.

Une action qui a débouché sur quelque chose d’inattendu ?

La Marche des Femmes Noires Brésiliennes.

Une action particulièrement difficile à mener ?

Toute action où on doit parler de la race. Il est très difficile aussi de parler du vécu des immigrées, surtout quand on est immigré et non français. Pour beaucoup, il s’agit uniquement d’une histoire de papier, carte de séjour ou nationalité.

Le reproche qu’on vous fait souvent, lorsque vous parlez de la cause pour laquelle vous militez ?

C’est du communautarisme, du racisme anti-blanc, il n’existe pas les races, on est tous humains, il y a des cons partout, tu es un peu parano…

La chose positive qu’on vous dit souvent, lorsque vous parlez de la cause pour laquelle vous militez ?

Les blancs français, pas grand-chose !

Que représente le fait de militer pour vous ?

C’est ma vie, c’est appréhender mon histoire, préserver l’estime de soi, mon indépendance intellectuelle. C’est un moyen de comprendre les souffrances que j’ai endurées dûes à ma condition raciale et sociale, de nommer les choses.

Quelle initiative/action vous a marqué ? Pourquoi ?

La Marche du 31 octobre- Marche pour la dignité et contre le racisme. Les rassemblements des racisé.é.s font du bien. Tout ce qui est organisé par et pour nous. J’ai pu enfin être en contact avec d’autres militant.e.s racisé.é.s en France.

Une organisation/association que vous suivez de près et dont vous vous inspirez ?

En France, MWASI et Cases Rebelles.

Quel.le militant.e vous inspire ? Pourquoi ?

Toutes les militantes afro-féministes brésiliennes, Lélia Gonzales, Thereza Santos, Edna Roland, Arabela Pereira Madalena, Conceição Evaristo… Maintenant, comme cité ci-dessus, je commence à m’intéresser aux nombreuses militantes afro-féministes françaises. Pour beaucoup de ces femmes, vivre, survivre, dans ce monde raciste, sexiste, classiste, xénophobe etc c’est déjà de la résistance.

Pour suivre l’actualité des Peaux Cibles https://www.facebook.com/femmesnoiresrennes/

INTERVIEW- Leïla Sy : Portrait musical de la réalisatrice, pilier du mouvement hip-hop

Leïla Sy © Lorent Kostar
RENCONTRE – Leïla Sy est plutôt une femme de l’ombre, comme elle le revendique. On est d’autant plus contentes que la réalisatrice de clips et activiste hip-hop a accepté de se raconter à L’Afro. Pour l’occasion, on lui a concocté un questionnaire spécial humeurs musicales !

Directrice artistique, activiste hip-hop, la réalisatrice Leïla Sy affiche son amour pour le rap dès sa messagerie, sur laquelle on tombe pour prendre rendez-vous et où l’on croit reconnaître Lino. « C’est Eklips, l’un des meilleurs beatboxers au monde, qui a repris la voix du rappeur dans son morceau « 12ème Lettre » dont j’ai réalisé le clip. Lino est un artiste que j’aime énormément ! », nous dit celle que l’on rejoint dans un café, quelque part dans le sud de Paris. « Je m’exprime peu, je suis une femme de l’ombre, je l’ai choisi. Moi, je sais parler avec l’image », nous prévient-elle. Et nous voici, une heure après cette entrevue fleuve.


Un clip qui vous a marqué jeune

Ado, « Thriller« ou encore « Bad » réalisés respectivement par John Laudis et Martin Scorsese. Michael Jackson a posé les bases de l’importance du rapport entre l’image et la musique.

Le(s) son(s) / le(s) clip(s) qui vous ont donné envie de faire ce métier

Les morceaux de KRS-One m’ont donné beaucoup de force. Je suis française, noire, métisse, -ma mère est blanche, mon père est noir-, et j’ai toujours eu ce complexe de ne pas savoir où était ma maison. J’ai eu une adolescence pleine de contradictions, ici, je n’étais pas chez moi et quand j’ai eu la chance d’aller au Sénégal, je n’étais pas chez moi non plus. C’est en partant vivre aux Etats-Unis à New York à Brooklyn Far Rockaway, que j’ai senti que j’appartenais à une communauté. Du fait de leur histoire, les Noir.e.s américain.e.s sont déraciné.e.s, ils ont néanmoins réussi à construire des fondations solides grâce à leurs combats et engagements. Sans nier les problématiques ou le racisme du système américain, comme le prouvent les récentes violences policières, à l’époque, ma rencontre avec la communauté afro-américaine a été un vrai déclic car il y avait une vraie ouverture d’esprit.

Un son / un clip qui vous rappelle des moments heureux

La grande époque de Missy Elliott. C’est l’époque où j’étais une jeune femme, sans trop de responsabilités, où je sortais dans les clubs faire des folies. J’adorais son univers coloré, imaginé entre autres avec Hype Williams. Dix ans après, la vie est passée par là, mais que ce soit avec son retour au Super Bowl ou son dernier titre, elle a toujours cette énergie communicative et représente notre culture et ses fondamentaux, -Peace, Love, Unity and Havin’ Fun- avec intelligence et tellement de singularité.

Un son/ un clip qui en dit long sur vous

(Elle réfléchit) Celui de Lettre à la République de Kery James. Il est un peu azimuté.


Le morceau est tellement Kery que je ne pourrai pas me l’approprier à ce point-là. Sinon, il y a le morceau L’Enfant Seul d’Oxmo.

Un clip qui a marqué un tournant dans la musique pour vous

« Hardcore » d’Ideal J que j’ai vraiment trouvé chanmé dans le fond et dans la forme.

Tous les gros clips de NTM, au moment de leur explosion, comme « Laisse pas traîner ton fils », réalisé par Joey Starr je crois, « La Fièvre », toute la grande époque où les clips étaient ultra-produits.

J’adore Lunatic et le clip de leur morceau « Pas Le Temps pour les regrets ». Il est ter-ter comme il faut !

Un clip / un son qui est une inspiration ultime

Tous les Michael Jackson, tous les Missy, ultra-lourds. Le Sefyu de Nathalie Canguilhem, –Molotov 4– m’a mis aussi une petite claque, « Jimmy » pour Booba, ou encore  « Cry me a river ».

Sinon, dernièrement, « Soldier of Love » de Sade.

Un clip que vous avez aimé tourner

J’ai kiffé réaliser les derniers Lino. Lui, son frère et son équipe ont beaucoup de tempérament, ce sont des gens super, pas toujours facile de faire le poids ; c’est un gros kif de bosser avec eux !
J’avais tellement à coeur de bien faire « Fautes de français » que je me suis écroulée une fois le tournage terminé alors que cela ne m’arrive jamais, enfin pas à ce point-là.

J’ai réalisé « VLB », il faisait chaud, c’était une sacrée mission, c’était cool de se retrouver à Villiers-le-Bel avec ces messieurs.

Un clip qui a été particulièrement difficile à faire

C’était toujours la même chose, un peu comme quand tu mets un enfant au monde : tu oublies les mauvais moments, tu ne gardes que le meilleur ! « VLB », je vais pas mentir, c’était dur vu l’économie du clip et nos ambitions. C’était à base de 80 plans dans la journée ! Avec Kub & Cristo, on a tourné plusieurs vidéos dans un entrepôt, comme le remix de « Papa ce soir » avec LFDV, j’étais à la réa et dans le même week-end « Wolfgang » pour Lino, sur lequel j’étais D.A..  il faisait tellement froid, c’était un enfer ! Mais ça donne des choses intéressantes à l’image, comme la fumée qui sort de la bouche  de Lino quand il rappe.

Un clip que vous auriez aimé tourner vous-mêmes

« Reason », le morceau produit par Clément Animal’sons pour Selah Sue. J’adore cette meuf, j’ai dit à ma prod de faire savoir à son équipe que j’avais envie de bosser pour elle, mais il n’y a pas eu de suite. Sinon, il y a un titre qui tourne en boucle à la maison, plus mainstream. Un clip moyen est sorti, et là ils viennent de refaire une vidéo plus authentique en Afrique, mais j’aurai bien kiffé ! J’en dis pas plus, ceux qui veulent aller gratter ont quelques indices 😉

Un clip qui vous agace / qui montre que l’industrie a changé

Ce qui m’agace, ce sont certaines maisons de disques. Elles ont beaucoup d’argent, mais elles tirent notre métier vers le bas en limitant les budgets, en utilisant les énergies  à mauvais escient. Je ne le répèterai jamais assez mais on ne fait pas d’images tout.e seul.e, il y a des équipes et chacun doit avoir son rôle. Pour faire de belles images, surtout dans une ère où le visuel est très important, il faut du temps et de l’argent. Je travaille avec Suther Kane Films, qui ont une haute estime de ce que je peux accomplir avec mon équipe et qui ont une vraie vision artistique ; même si on galère, ils savent prendre des risques. Je garde ma liberté artistique. Mais le clip, c’est presque une profession de foi, c’est usant.

Leïla Sy ©Lorent Kostar

Leïla Sy en quelques dates

30 juin 1977 Née l’année du punk et de pas mal d’activistes

1985 Rencontre Mya Frye et Michel Ressiga au Centre de danse du Marais, où elle continue de danser irrégulièrement.

1990 Après un casting sauvage, 1ère campagne Benetton. « Oliviero -Toscani, le photographe célèbre pour ses clichés jamais tièdes- a un sacré caractère, mais il m’a pris sous son aile ; j’ai beaucoup appris en l’observant »

1995-1996 tournée Macarena

1998 Défilé Yves Saint-Laurent ; départ aux Etats-Unis, danse pour Alvin Ailey

2000 Diplômée de l’Académie Julian, mieux connue sous le nom de Penninghen.

Juillet/Aout 2001 Photographe / graphiste pour le magazine Track List

Septembre 2003 Directrice artistique / Photographe pour la version française du magazine The Source
2005 Naissance de son 1er fils et de l’association Devoirs de mémoires

2007 Naissance de son deuxième fils

2009-2015 : Nombreux clips pour Kery James, Lino etc

2015 Clip de L.E.J