« Pour les blancs, je ne suis pas blanche et pour les noirs, je ne suis pas noire… pas pour tous bien évidemment, mais dans le milieu militant notamment, c’est assez complexe. «
ASSOCIATIF – Manon Ahanda est l’une des co-fondatrices du BAAM, le bureau d’accueil et d’accompagnement des migrant.e.s. Un bienfait, Que ce soit en suivant ses différents posts sur ses divers réseaux sociaux, ou sa présence au shooting, l’envie de « faire et d’être avec » de Manon a rendue encore plus légitime cette séance avec les #Fraicheswomen.
Comment définissez-vous votre travail ?
C’est difficile de qualifier ce que je fais comme un boulot, on pense souvent au boulot comme à un truc pas forcément très cool -bon, j’ai de la chance, j’aime le mien-.
Au sein du BAAM, notre association, -le bureau d’accueil et d’accompagnement des migrant.e.s-, je dirais que chaque bénévole, chaque membre de l’asso, fait le boulot que l’Etat devrait faire.
Bon, on n’a pas les mêmes moyens…
Du coup on bricole comme on peut avec les moyens que l’on a.
Heureusement, ça fonctionne !
Les gens ont tendance à oublier que tous les bénévoles justement sont bénévoles, nous ne sommes pas payés, -personne !- et c’est ce qui rend les choses encore plus belles 🙂
Comme dans ma vie professionnelle, j’ai testé pas mal de choses au sein de l’asso, j’ai fait beaucoup de terrain -aller dans les camps-, j’ai fait du social -suivi de dossiers administratif-, du médical. Aujourd’hui je m’occupe essentiellement des événements « festifs » du BAAM : trouver des lieux, des artistes, des intervenants politiques et intellectuels, et faire en sorte de créer une vraie mixité.
Un endroit où les migrant.e.s et les « français » se mélangent, échangent pour aider à faire tomber ces putains de préjugés !
J’adore ça !!
A-t-on essayé de vous décourager ou au contraire vous avez été encouragée, choyée, portée dans votre entreprise ?
Pour moi c’est assez différent, étant métisse.
Pour les blancs, je ne suis pas blanche et pour les noirs, je ne suis pas noire… pas pour tous bien évidemment, mais dans le milieu militant notamment c’est assez complexe.
De quoi devenir folle.
Mais je dirais que mes proches m’ont toujours soutenue, d’être fière -toujours- et de ne pas oublier d’où je viens.
Retrouvez l’édito photo et toutes les #fraicheswomen réunies
À quel moment avez-vous décidé de vous impliquer dans la vie associative pour aider les migrant.e.s ?
J’étais cheffe cuisinière puis j’ai décidé de me mettre à mon compte.
J’habitais dans le 18ème, c’était le 8 juin 2015 ; cela faisait une semaine que j’étais au chômage et que j’en profitais 🙂
Ma coloc m’envoie un message en me disant : « Si tu veux faire des photos, prends l’appareil et viens maintenant, si tu veux être utile. » Je m’y suis rendue sans savoir du tout ce qu’il se passait.
Ou, du moins, je ne m’attendais pas à ce qui s’est passé.
Je suis arrivée et j’ai vu une centaine d’hommes et de femmes encerclé.e.s par des centaines de flics… avec des cars le long de la route, à la Halle Pajol.
Les migrant.e.s étaient « protégé.e.s » par des élus.
C’était d’une violence… Je ne sais plus comment je me suis retrouvée avec les réfugié.e.s, les flics fonçaient dans le tas et attrapaient les migrant.e.s comme ils le pouvaient, par les pieds, les bras, la tête, les cheveux.
On hurlait comme on pouvait « Freedom » « solidarité avec les réfugiés » ou encore « des papiers pour tous » les migrant.e.s disaient « des papiers pour tous » -on en rigole ensemble aujourd’hui-
Vraiment, je n’ai pas les mots pour décrire la violence…
Une fois que tu mets un pied dedans, impossible de refermer les yeux.
Le soir, il y avait plusieurs mineurs qui dormaient à la maison, et on n’a pas arrêté d’héberger des personnes pendant plusieurs mois.

J’ai tellement d’anecdotes depuis le début de mes activités militantes (soupirs).
C’est plus une histoire… qui me touche beaucoup.
Quelques mois après j’ai pu rencontrer une famille. Lui est soudanais musulman, elle éthiopienne orthodoxe et le petit est né en Libye.
Ils sont venus un moment habiter à la maison.
Une journaliste a voulu suivre leur histoire, nous sommes devenues amies elle et moi et aujourd’hui on les appelle la famille. Ils m’ont demandé de trouver le prénom de leur deuxième enfant, j’ai choisi « Aimé » je vous laisse deviner pourquoi… : )
Je pense d’ailleurs qu’on est un peu l’exception qui confirme la règle à l’expression « on ne choisit pas sa famille ».
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
La BAAM participe à la nuit blanche samedi 7 octobre, au collège Daniel Mayer dans le 18ème arrondissement de Paris. A 23h, On projettera un documentaire dans lequel on pourra voir la rencontre entre des élèves avec des migrant.e.s.
Et puis sur nos prochains événements, ça prend du temps, et de l’énergie 🙂
J’espère même pouvoir faire un événement un de ces jours avec toutes ces super nanas que j’ai pu rencontrer grâce à vous, ça serait génial -une vraie réponse de #Fraîcheswomen, ça ;), ndlr- .
Quelle est votre principale source d’inspiration ?
Les femmes, les femmes qui font ou ont fait partie de ma vie.
Des nanas qui ne baissent pas les bras et qui sont toujours là pour me donner la niaque quand j’ai un coup de mou.
Qui elles mêmes se battent tous les jours et toutes dans des milieux où c’est pas simple d’être une nana.
Et mon mec bien sûr qui me soutient quotidiennement et me pousse lui aussi à aller plus loin.
(Crédits photo : Noellal)