Cinq raisons de rencontrer Sonia Sanchez au Hasard Ludique

C’est une grande figure intellectuelle et politique, unapologetically black, que L’Afro a l’honneur de recevoir le 7 novembre 2019. Enseignante, mère de famille, activiste, poète, féministe… Sonia Sanchez fait le voyage, depuis Philadelphie, où elle réside, pour présenter « Prochain arrêt pour le Bronx et autres pièces ». C’est son tout premier ouvrage, traduit en français par Sika Fakambi et publié par L’Arche éditeur, maison septuagénaire qui édite, entre autres, certaines des oeuvres de Leonora Miano. L’Arche est aussi une agence théâtrale et représente également l’autrice et performeuse Rébecca Chaillon.

On espère que vous serez au rendez-vous le 7 novembre au Hasard Ludique à partir de 19h. Pour les informations, – déroulé et informations pratiques-https://www.facebook.com/events/468836990397262/

Son oeuvre littéraire est prolifique et accessible
” Sonia Sanchez rend le monde meilleur ; plus vivable, plus drôle, plus facile. Je souhaite que des millions de personnes sachent qu’une partie de la joie qu’ils ont dans leurs vies découle du fait que Sonia Sanchez écrive de la poésie » Maya Angelou -que la terre lui soit légère- parlait ainsi de son amie, poétesse et autrice, née en 1934 à Birmingham, en Alabama. Sonia Sanchez s’est retrouvée à plusieurs reprises en discussion avec certaines de ses illustres amies poètes et autrices comme Audre Lorde ou encore Toni Morrison, ici ou encore là. Ou encor à enseigner leurs oeuvres.

Sonia Sanchez a décrété que sa mission était de faire aimer la poésie – la sienne mais aussi celle des autres- à celles et ceux qui ne l’aimaient pas. Outre l’enseignement, l’engagement politique, elle a construit une oeuvre prolifique, commencée avec la publication du recueil de poèmes Home Coming en 1969. Plus de seize ouvrages, dont I’ve Been a woman, We a BaddDDD People ont suivi. Son travail sur la langue et la forme que peut prendre le poème sont indissociables de la retranscription de l’expérience d’être noir.e dans son oeuvre.

Elle a participé à la fondation du Black Arts Movement
Avec The Last Poets, elle fait partie des dernières figures de ce mouvement qui a marqué l’histoire culturelle, politique et intellectuelle des Etats-Unis. Le BAM a ouvert une décennie de création, d’émulation entre 1965 et 1975. Un des contributeurs du mouvement, Larry Neal écrit en parlant de ce mouvement que « c’est la petite soeur spirituelle et esthétique du concept de Black Power [car] tous deux largement reliés au désir des Afroaméricain.e.s de s’autodéterminer ». Des musiciens comme Gil Scott-Heron, John Coltrane, des auteurs comme Amiri Baraka, qui l’a créé suite à la mort de Malcolm X, notamment, le font vivre. Ce dernier déménage alors symboliquement vers Harlem et crée un Le mouvement est très masculin, mais Sonia Sanchez fait partie des figures féminines qui réussissent à faire entendre leurs voix, comme Lorraine Hansberry, Nikki Giovanni ou encore Audre Lorde. Le mouvement bien que controversé à des endroits a permis de changer la manière dont les afroamérican.e.s étaient représenté.E.s à l’époque et ont considérablement influencé des autrices et auteurs jusque maintenant.

Elle a contribué à l’émergence des black studies

Alors qu’elle enseigne à l’université de San Francisco, elle donne un cours sur la littérature afro-américaine, principalement basé sur des autrices noires. Il est pour beaucoup le premier du genre donné dans une université majoritairement blanche aux Etats-Unis. Sonia Sanchez est souvent représentée comme étant l’une des personnalités qui a contribué à installer les Black studies.

Elle a été aux premières loges du combat pour les droits civiques
Sonia Sanchez est née en Alabama, à une époque où il était illégal pour les Noir.e.s et les Blanc.he.s de fréquenter les mêmes espaces. Sa poésie de combat est influencée notamment par les actrices et acteurs des droits civiques, dont Malcolm X, avec qui elle a un temps cheminé. Elle a adhéré au chapitre de Harlem du Congress of Racial Equality (CORE) et a participé à la Marche pour l’emploi et la liberté de Washington en 1963.

Son travail est reconnu par la nouvelle génération
Plus généralement, elle a marqué toute une génération d’artistes notamment celles et ceux qui officient dans la musique rap. Entre 2002 et 2007, le rappeur Mos Def avait son émission où défilait la crème des écrivain.e.s et artistes. Amiri Baraka, Saul Williams, Erykah Badu entre autres y sont passées. Sonia Sanchez aussi, évidemment.

On ne compte plus les multiples récompenses qu’elle a reçues- la plus récente c’est l’Anisfield Wolf award, dont elle a été récipiendiaire en mars 2019 – .Elle est aussi au centre de BadddDDD Sonia Sanchez, un documentaire réalisé par Barbara Attie, Janet Goldwater et Sabrina Schmidt Gordon. Le film a été nommé aux Emmy en 2017. Ainsi, les rappeurs Mos Def et Quest Love y ont témoigné.

Sonia Sanchez est toujours enseignante.

Laurie Pezeron, Fraiche Woman 2019, fondatrice du Read! Club : « La black excellence aide à construire l’estime de soi »

Nous sommes journalistes, certes, mais nous sommes aussi de grandes amatrices de tout plein de choses et notamment de littérature. C’est ainsi que nos routes ont croisé celle de Laurie Pezeron. On se souvient de différentes rencontres qu’elle a pu organiser autour de livres, avec ou sans les auteur.ices, où on pouvait échanger sur nos ressentis en les lisant, ce qu’on avait appris, ce qui nous avait touché. Ou pas d’ailleurs. Des moments intimistes où les discussions vont toujours bon train, même une fois la session close. On aime tellement le concept que L’Afro en est partenaire. Aujourd’hui, âgée de 38 ans, Laurie Pezeron poursuit Read! Club depuis 12 ans et a même ouvert le concept aux enfants. Une amoureuse des mots qui y puise son inspiration. Mais c’est elle qui le raconte le mieux.

Les 8 #fraicheswomen de l’édition 2019 ont chacune donné leur avis sur la thématique de cette seconde édition du projet photo, à savoir la « black excellence », -preuve que les Noir.es ne devraient pas être essentialisé.es -et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous avons créé L’Afro le 31 octobre 2015 ;).

Comment Read! Club a commencé

« D’une manière assez simple. J’ai créé le READ! Club sous la forme d’une association en 2007, sans connaître le milieu associatif. Il s’agit du premier club de lecture parisien dédié aux auteur.es Afro’. L’idée est de se retrouver régulièrement afin de partager et discuter de lectures communes, des livres proposés par le club, avec tant que possible des intervenantes lié.es au sujet majeur de l’ouvrage. Notre marraine est Maryse Condé que nous avons reçu, ainsi que Fatou Biramah, Sérigne M’Baye (Disiz), Doudou Diène, Léonora Miano, Ta Nehisi Coates, D’ de Kabaal, et bien d’autres… »

La réaction de ses proches

« Leurs réactions étaient mitigées, j’ai plus été encouragée par l’extérieur que par mes proches. On me fait souvent le reproche du fameux repli « communautaire », qui a une connotation négative ici en France, et qui est pourtant nécessaire selon moi… Mieux se connaître soi-même, pour mieux affronter le monde. »

Sur la « black excellence »

« Étant tournée vers les USA, notamment via la culture Hip-hop, depuis jeune, c’est une notion qui me parle, évidemment. Après le ‘Black and Proud’ de James Brown, le ‘Black is Beautiful’, il faut se souvenir que les esclaves furent des biens meubles définis par le Code Noir, et que beaucoup de philosophes occidentaux ont douté de l’existence de leur âme. L’expression ‘Black Excellence’ entre dans le processus d’estime de soi et de la reconnaissance, afin de rendre compte de sa propre valeur, et permet d’ouvrir le champ des possibles, et de dépasser les pensées limitantes qui ont été transmises, puis sont déconstruites, de génération en génération. »

Un tournant ou un grand défi dans sa vie ?

« Plutôt qu’un tournant ou de grand défi, je peux parler de rencontres déterminantes, qui permettent ces tournants. Et READ! est une suite de rencontres enrichissantes, d’ailleurs j’ai rencontré Adiaratou et Dolorès via READ! Certains livres aussi ont été des tournants, on peut s’y retrouver soi-même. Et mon plus grand défi est de donner le virus de la lecture à ceux et celles qui en sont le + éloigné.es. »

Ses modèles et inspirations

« Maryse Condé pour son humour, Christiane Taubira pour son éloquence, James Baldwin pour son côté visionnaire, Malcolm X pour sa discipline, mes Parents pour leur solidité, ma Famille pour leur solidarité, mes Ami.es pour leur lucidité. Je m’inspire de ce qui m’entoure. Notre entourage n’est qu’un reflet d’une partie de nous-mêmes. »

Un mot, un slogan, un leitmotiv qui résume son état d’esprit

« Po-si-ti-ver, toujours !  Et faire les choses avec passion. »

Un conseil à quiconque, et en particulier aux femmes, souhaitant se lancer dans un projet similaire

 » D’y mettre toute son énergie sans s’oublier, et d’éviter d’écouter ceux et celles qui peuvent faire douter sur ses propres convictions profondes. »

Ce sur quoi elle travaille actuellement

« Les prochaines sessions READ! D’ailleurs, nous faisons une session sur le livre d’art NOIR, entre peinture et histoire le 9 mai prochain. »