INTERVIEW – Shirley Souagnon lance Afrocast, une agence pour comédien.ne.s afro « pour rompre avec l’hypocrisie »

 

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RENCONTRE – La comédienne Shirley Souagnon parle d’Afrocast, l’agence web pour les comédien.ne.s afro qu’elle vient de lancer. Le but : visibiliser les artistes et créer des opportunités.

Au lendemain des Césars, un nouveau site dédié aux pro afro et à celleux qui s’y intéressent a vu le jour. Afrocast se propose de mettre en avant les comédien.ne.s, producteur.ice.s, réalisateur.ice.s noir.e.s. Nous avons eu la chance d’en parler avec sa créatrice, la comédienne Shirley Souagnon avant son décollage, pour jouer son spectacle, vers la Côte-d’Ivoire, dont elle est originaire. 

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Shirley Souagnon 

Depuis quand aviez-vous l’idée de monter ce site ? 

J’ai eu l’idée d’Afrocast depuis quelques temps. Le débat autour d’#oscarssowhite et surtout les Césars, m’ont donné envie de me lancer tout de suite.

Quelle est la spécificité du problème français selon vous ? 

Il y a selon moi un combat à laisser tomber : demander aux Blanc.he.s de nous apporter ce que nous pouvons faire nous-mêmes. Il y a des raisons qui expliquent cela et qui résident dans la manière dont on nous a élevé en France, dans la méfiance des autres. On ne communique pas assez non plus entre nous. Par ailleurs, on manque d’argent pour mener à bien des projets. Avec ma société, j’ai déjà produit une émission de télé pour Afrostream, qui s’appelera le Show de Shirley Souagnon, en misant mes économies. Il y a aussi du crowdfunding et plein d’autres moyens de financer des projets.

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En quoi consiste afrocast ? 

Pour l’instant, à publier des photos de comédiennes et comédiens ; le but, c’est simplement de rendre les artistes visibles. Certains ont des agents, d’autres n’en ont pas. On répertorie aussi les scénaristes et les producteurs, car c’est aussi le problème, qu’il y ait des histoires pensées et écrites par nous pour nous. S’il y a assez de producteur.ice.s par exemple sur le site, on pourra par exemple monter une commission, choisir un scénario et pourquoi pas, monter un film. C’est important de faire des choses très concrètes.

Mais encore ?

Ca permettra de rompre avec une certaine hypocrisie. Dans certaines agences artistiques, on n’indique pas la couleur de peau. Par contre, je reçois des appels pour me demander si je ne connais pas -texto- « un.e noir.e », comme si j’étais agent ou cheffe de tribu !

Comment sont arrivées les premières photos sur le site ? 

Grâce à mon réseau, au bouche-à-oreille. Tant qu’on continue d’en parler, le mot va continuer de passer.

C’est beaucoup de travail. Comment voyez-vous le développement du site ? 

Quand je sentirai qu’il y aura assez d’inscrit.e.s, je pourrai travailler avec mon développeur sur la possibilité de s’inscrire seul.e. A terme, il y aura un peu plus d’infos sur les comédien.ne.s et les moyens de les contacter.

Avez-vous été inspirée par d’autres initiatives ? Des personnes ? 

Oui, celles du Gotha Noir, ou quand j’ai commencé, il y avait Africultures, ou grioo. Il y a aussi Rokhaya Diallo. Je me retrouve dans bon nombre de ses actions, comme celles menées avec les Indivisibles: passer des messages avec humour.


Avant afrocast.org, la première agence web d’acteur.ice.s s’appelait afrocine.com

Le site est aujourd’hui en sommeil. Mais à la fin des années 90 jusqu’au début des années 2000, Afrociné était la plateforme privilégiée pour contacter les comédien.ne.s afrofrançais.es sur un répertoire nommé blackcast. »Tous les producteur.ice.s à la recherche d’acteur.ice.s noires nous contactaient », se souvient celui qui mettait en ligne les fiches des artistes. Le site a longtemps bien marché.
Il avait été créé par Owell A. Brown, réalisateur, et parrainé par Pascal Légitimus « qui nous faisait profiter de ses connaissances du monde cinématographique », indique le webmaster d’Afrociné, qui certifie que tout le monde était bénévole.
Ce dernier, blanc, ami du comédien-producteur, confirme qu’une telle entreprise, nécessaire du fait des vrais problèmes que rencontraient déjà les comédien.ne.s noir.e.s à l’époque pour jouer, plus philanthropique que lucrative, représente beaucoup de travail. Il affirme ne plus avoir de nouvelles de M. Brown depuis bien longtemps.