CINÉMA – Le film « Divines » mérite-t-il bien tous les hommages qu’il reçoit ?

POINT DE VUE – ATTENTION SPOILERS – Lauréate de la Caméra d’Or au festival de Cannes 2016, la réalisatrice Houda Benyamina, également co-fondatrice de l’association 1000 visages qui permet à des jeunes d’avoir accès au monde du cinéma – a laissé éclater sa joie en direct le 21 mai dernier. Cette femme au bagout certain, à la détermination bien affichée et qui se présente volontiers comme une « guerrière » nous a intrigué … et son film aussi.

Divines, c’est l’histoire de Dounia qui grandit dans une famille pauvre et attirée par la fast life, qui croise la route de Rebecca, reine des dealeuses dans sa cité, en compagnie de son inséparable amie Maïmouna – dont on a kiffé la justesse et qui nous a trop fait rire-. Les critiques se sont emballés unanimement pour le film. On l’a vue et il nous a laissé un drôle de goût.

Pure fantaisie ou film engagé ?

Dès le début, on a du mal à se situer. Est-ce qu’il s’agit d’une fiction pure et dure où, dans ce cas toutes les fantaisies sont de fait admises, ou d’un film coup de poing pour dénoncer les problématiques sociales et politiques qui se posent en banlieue ? On peut aussi trancher la poire en deux et dire qu’Houda Benyamina navigue entre les deux. Accepter le tonton travesti, la mère complètement perdue, alcoolo  et nymphomane et que tout ce petit monde vive, puisque c’est le cas, dans un camp de roms. On comprend bien qu’il fallait des obstacles sur le chemin de l’héroïne pour qu’elle ait une rage de liberté la poussant à se battre dans la vie mais la barque ici est carrément chargée ! Et la magie du conte de fées ne fonctionne pas, en tout cas pas sur nous. C’est tout simplement trop.

Du coup, la rencontre avec Djigui, agent de sécurité le jour, danseur la nuit, une caricature de poète en baskets, pseudo-mystérieux, pseudo élément perturbateur de la dure vie de l’héroïne a suffi à nous agacer tout le long du film, car il est dessiné à tellement gros traits que l’impression de déjà-vu nous a pris à chaque fois qu’il est apparu à l’écran. Son binôme Maïmouna, elle, vient d’un autre monde : elle est noire et issue d’une famille musulmane qui ne badine pas avec la religion. Les deux acolytes ont en tout cas la même place dans la société, du fait de leur origine sociale.

Un duo à double tranchant

Si elle est sympathique, sa partner in crime est tout à fait problématique ; elle sert de caution ingrate à son amie qui n’a pas froid aux yeux et fait tourner les têtes. Maïmouna, bien que la voix de la sagesse est une invisible dans le film, l’inverse de la frondeuse Dounia. Alors qu’elle est hyper importante. C’est elle qui apporte le relâchement comique, qui soulage dans les moments les plus tendus du film ou les plus légers. Pour nous la meilleure scène, c’est sa critique hilarante du danseur pouet-pouet au cours de son audition avec un chorégraphe, qu’elle observe des cintres et qu’on a trouvé aussi ridicule qu’elle dans sa fausse posture de rebelle sans cause -parce que oui, on n’a toujours pas compris d’où venait sa rage, à lui-.
Houda Benyamina dit s’être inspirée de Laurel et Hardy sur RFI pour créer leur duo… On n’est pas trop fans de la référence. Malgré tout, la réalisatrice réussit à rendre les deux copines attachantes, qu’elles snappent leurs rides dans leur quartier ou qu’elle les montrent en voyage imaginaire dans un pays lointain, alors qu’elles font le guet pour leur patronne dealeuse.

Divines, un film de banlieue … et sur la banlieue

Ce qui est assez fatigant, c’est que finalement, les ingrédients clichés habituels du « genre » avec de la violence partout sont là, et surtout l’idée principale : la seule façon de se sortir du ghetto est de devenir le parrain / la marraine de la bicrave pour illustrer que les  jeunes banlieusard.e.s rêvent de faire de l’argent, comme bon nombre de capitalistes de ce pays. La seule différence avec les films que l’on voit d’ordinaire ? Enlever les sempiternels héros pleins de testostérone et les remplacer par des personnages qui ont « du clito. »

C’est d’ailleurs la scène qui a contribué à marketer le film.  Mais franchement, est-ce que c’est une vraie scène choc ? La comédienne, Jisca Kalvanda, qu’on a par ailleurs aimé dans d’autres oeuvres, qui prononce le fameux « t’as du clito », phrase qui a fait beaucoup parler depuis Cannes, a un rôle caricatural, de faux tatouages qu’on devine dessinés au marqueur, volés de surcroît à la Nuit du chasseur et à Do The Right Thing, une psychologie binaire vue et revue-« tu frappes, puis tu caresses »-. Fait même pas peur.

Ce premier film a les défauts -confus, décousu, superficiel par endroits- de certaines de ses qualités -plein d’énergie, féminin, ancré dans une réalité sociale-. Et loin de nous l’idée de classer la réal qui, on le sait par ailleurs, met autant d’énergie à permettre à d’autres personnes qui n’ont pas accès aux facilités du monde du cinéma d’écrire et de tourner des films. Mais là, c’est trop : à trop vouloir en montrer, on perd le propos. La scène de fin tragique, en dit beaucoup plus que les 1h45 qu’on vient de vivre, sur l’absurdité des violences policières, leur implacabilité envers les jeunes, les rapports de ces dernier.e.s avec les forces de l’ordre et la façon dont iels sont perçu.e.s par la société.

 Le vrai problème, ce n’est pas tant le film au final que la réception générale qui en a été faite. Plein d’énergie, Divines est indémontable donc. Ce n’est pas étonnant que bon nombre de critiques s’émerveillent. Ils y découvrent une réalité outrée, de purs talents – car oui, les comédiennes du film d’Houda Benyamina sont divines-, une manière de raconter une histoire tambour battant, même si un brin poussive.

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2 réflexions au sujet de « CINÉMA – Le film « Divines » mérite-t-il bien tous les hommages qu’il reçoit ? »

  1. Je suis pas très fan du « film de banlieue » car il est généralement carricaturé et écrit par des gens qui y connaissent rien mais j’ai été drolement surprise par le film Divines. J’ai bien aimé et justement je trouve qu’on perd le côté banlieue pcq ce qui m’a interpellée c’est surtout la détermination du personnage principale, son envie, son acharnement, sa rage, de réussir et qui au final à cause justement du traffic de drogue, se brûle les ailes! Elle perd son amie, son argent (tout comme sa dealeuse) et son amoureux. Justement le film montre qu’on réussit pas grace à la drogue, cest une réussite à court terme. En ce qui concerne le danseur, justement c’est lui qui représente la réussite! OKAY, il fait le mec de tèz devant ses petits compagnons de danse, il fait justement le malin pcq je pense qu’il assume pas totalement son rêve. Mais au final, dans son domaine il excèle et il finit par partir en tournée bien qu’en étant vigile d’un supermarché de banlieue. Et surtout, il réussit de manière réglo! ET blabla j’ai plein d’autres trucs à dire mais la flemme d’écrire 🙂

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