Dix bonnes raisons de venir parler santé, sexe, intimité avec Axelle Jah Njiké et Sharone Omankoy

Voici deux ans que nous organisons des événements. Des rencontres-débat publiques, sur diverses thématiques, avec des acteur.ice.s du monde afro-français.

Jamais nous n’avions décidé d’aborder un sujet aussi sensible, important, compliqué : la santé et la manière de la préserver, à tous les niveaux.

C’est un débat émergent, au coeur de nos vies, mais qu’on a encore du mal à aborder.

Nous trouvions intéressant de pouvoir apporter quelques outils, réflexions, coups de gueule avec l’aide de talents, en introduction d’une soirée musicale de haute volée.

N’hésitez pas à prendre vos billets, on vous dit ici pourquoi vous ne le regretterez pas !

Billetterie > weezevent.com/l-afro

  1. Des intervenantes de choix

Nous sommes heureuses et fières qu’Axelle Jah Njiké et Sharone Omankoy aient accepté de discuter en public de ces sujets. La première est une autrice, militante à l’histoire personnelle chargée, et administratrice à la GAMS, federation qui s’occupe de la question des mutilations sexuelles et des mariages forcés. La seconde est l’une des personnes à l’origine de Mwasi, travaillant au contact de femmes afrodescendantes affectées par le VIH. Toutes deux féministes, de générations et de backgrounds différents, elles ont également l’avantage de ne pas être d’accord sur tout ; toujours utile pour un débat. Elles s’accordent sur quelque chose de fondamental : l’intime est nécessairement politique. Et important à reconsidérer, notamment pour les afrodescendant.e.s. Elles ont l’habitude d’être à l’écoute et de choisir les bons mots pour parler de sujets qui bouleversent les codes.

Ni thérapeutes, ni gourous, elles vont cependant délivrer bon nombre d’informations de par leur métier et leur expériences personnelles. Et vont sans doute bousculer vos idées reçues, sur tous les sujets ayant trait à l’intime.

2. La qualité de l’échange

Les deux intervenantes partageront non seulement leurs expériences personnelles mais, également professionnelles, elle seront en mesure de fournir des faits en communiquant des données notamment autour des port.eur.ses du VIH dont Sharone Omankoy nous parlera, loin des clichés habituels que l’on peut entendre sur la question.

3. Des thématiques rarement abordées

Il est rare que ces sujets soient évoqués, surtout dans un espace public. On salue au passage des initiatives tels que le podcast Exhale propulsé par le média atoubaa ou encore les rendez-vous Sexcare.

4. Le cadre

C’est notre deuxième événement au Hasard Ludique. La salle permet d’accueillir un nombre important de personnes tout en gardant le côté intime nécessaire à ce type d’événements. Un espace sûr, safe, où ce qui sera dit sera respecté et tout le monde est bienvenu. Vous avez notre parole.

5. Un sujet qui nous concerne tout.e.s

Toujours sensible à la question de la transmission d’une génération à une autre, nous espérons que cette discussion pourra être l’occasion de débuter ou de pousser plus loin des questionnements personnels mais aussi ouvrir ou prolonger des dialogues, que vous ayez 18 ou 45 ans, que vous soyiez une femme, un homme, mère, père, soeur, frère …

6. On parlera santé sexuelle mais pas que …

Toujours dans le thème de la santé, on abordera également les enjeux liés à la dépigmentation de la peau avec Aude Mougayana de l’association Esprit d’Ebène, qui a lancé une campagne dans les transports franciliens intitulée Stop Dépigmentation dont les clichés sont signés du photographe David Uzochukwu et qu’on exposera le samedi 17 février.

7. L’intimité respectée, justement 😉

Vous vous posez peut-être des questions très intimes, ou avez peut-être des proches qui sont dans des situations sanitaires compliquées, voire mortelles. Vous ressentez peut-être de la tristesse, de la gêne à évoquer certains sujets ayant trait à votre histoire intime, sexuelle et vous ne savez peut-être pas où trouver des réponses à vos questions, quel qu’elles soient. Cet événement peut être l’une des occasions d’en obtenir, et de rencontrer des personnes avec qui vous pourrez dialoguer dans le respect.

8. Le concept : talk mais aussi live et party 🙂

Le thème du débat vous gêne ? Vous ne vous sentez pas concerné.e ? Vous avez peur de ne pas pouvoir arriver à temps pour attraper tout le débat car c’est samedi, que 20h ça vous paraît tôt et que vous courrez déjà toute la semaine ? Le débat promet d’être très intéressant, très fort ; il introduit une soirée musicale qui le sera tout autant. Sira Niamé est la tête d’affiche du concert de cette soirée. L’univers de cette jeune chanteuse cadre parfaitement avec l’événement.

Sira Niamé

Mutine, aventureuse, voire frondeuse, la musique de Sira Niamé est un mélange des musiques afrodescedantes qu’elle aime écouter, qu’elle a appris à maîtriser, et qu’elle a appelé africana. Ses textes parlent de sa vie de femme, amoureuse, à corps perdu dans des histoires intenses, tantôt sulfureuses, tantôt douloureuses.

Plus besoin de vous présenter Cheetah dont nous vous avons déjà parlé ici et.

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Marina Wilson par @NoellaL pour L’Afro / #FraichesWomen

C’est par ailleurs la deuxième fois qu’elle mixe à notre événement. La première fois, c’était déjà au Hasard Ludique. On ne change pas une combinaison gagnante 😉

9. Nos soirées se passent toujours bien 😉

La preuve en images

https://youtu.be/LGmlbR11UZw

10. On ne se retrouvera ensuite qu’en mai

OH NON, vous voit-on déjà crier en vous prenant la tête entre les mains. Si vous ne savez pas tenir sans nous pendant 3 mois, ne vous inquiétez pas, ce n’est qu’un au revoir ! C’est notre dernier événement avant le festival Fraîches Women. Nous l’avons annoncé, on bosse dessus d’arrache-pied : début mai, nous organisons notre première manifestation d’envergure, une plateforme dédiée aux femmes afrodescendantes et à toutes les autres. Ateliers, rencontres, stands, concerts, dj sets… On va mettre les petits plats dans les grands et créer un espace propice à la discussion et aux échanges.

[CINÉMAAAAAAA] On a vu… La Vie de Château en salles le 9 août

À L’AFFICHE – Le film de Cédric Ido et Modi Barry sort début août, au creux de l’été. Une comédie sympathique au coeur de Château d’Eau, « l’un des derniers quartiers vraiment populaires de Paris », selon ces derniers.

Le jeu de mots du titre prévient déjà -un peu- : le parti pris du film est comique. Charles aka « Le Prince » est à la tête d’un groupe de rabatteurs, mais rêve de s’installer à son propre compte. Autour de ce point de départ se déroulent des histoires qui ont toutes le même et unique lieu : Château d’Eau. Le personnage principal, interprété par Jacky Ido, est bien connu des deux réalisateurs. L’un d’eux, Cédric Ido, également comédien, réalisateur du remarqué Twaagaun court primé à plusieurs reprises, est son frère et lui offre ainsi son premier premier rôle dans un film français. L’autre, Modi Barry avait déjà dirigé Jacky Ido dans 1983, un film court d’anticipation. Le duo amis dix ans à monter le projet, une intrigue sur fond d’embrouilles, à Château d’Eau, dans ses magasins et salons, avec celles et ceux qui y travaillent.

 

Ici, pas de sandwiches à 6 euros, de bars à cocktails onéreux, ni de magasins streetwear réservés aux happy few. Le film se centre sur cette partie du 10e industrieuse, entre le boulevard de Strasbourg et la rue des petites écuries, qui ne dort presque jamais. Et sur la rivalité entre Charles et Bébé, autre chef des rabatteurs, qui travaille pour des salons concurrents.

crédits Jean-Claude Lother

Pas de préambule à la Enquête Exclusive demandant « Mais qui sont les rabatteurs de Château D’Eau-quels sont leurs réseaux-ils témoignent », mais une histoire centrée autour d’eux – certains qu’on voit dans le film jouent leur propre rôle-, de l’envie d’ascension des uns et des autres, et des coups fourrés pour tenter d’y arriver.

C’est bien l’un, si ce n’est le personnage central de cette comédie. Le quartier est de tous les plans. On le voit dès l’ouverture du film, en musique avec Paris de Joséphine Baker ; une manière transparente de dire que Paris est Paris aussi parce qu’il y a Château d’Eau.

Tatiana Rojo crédits Jean-Claude Lother

On croise toute une galerie de personnages, campés notamment par Jean-Baptiste Anoumon, Tatiana Rojo -Amou Tati-, ou encore comme Assa Sylla, vue dans Danbé, Bande de filles, ou encore Ralph Amoussou, –La Fine Equipe…- et même Serge Beynaud, la star du coupé-décalé.

L’un des grands atouts de cette comédie, c’est sa bande-son et son casting. C’est bien d’y retrouver Félicité Wouassi. Les réalisateurs ont confessé avoir écrit le film en pensant à elle. Depuis Aide-toi le ciel t’aidera en 2008, qui lui avait valu une nomination aux Césars en 2009, on avait revu la comédienne à quelques -trop- rares occasions sur le petit  écran. Ici, elle incarne une gérante de salon, businesswoman avisée et figure du quartier empêtrée dans un imbroglio qu’on ne vous dévoile pas ici.

Ici, l’assistant du couturier -forcément italien- est japonais et taiseux. Les Indien.ne.s sont dur.e.s en affaire, les femmes noires aussi et ces dernier.e.s le savent. Le trait est forcé dans La Vie de château, – la marque de bon nombre de comédies françaises-, contrebalancés par des scènes où affleurent la détresse de certains des personnages, tou.te.s des combattant.e.s pour s’offrir une vie meilleure ; le tout baigne dans la bienveillance pour ses personnages. Le film a le mérite d’offrir une plongée fictionnelle dans une partie de la capitale que le cinéma n’avait pas vraiment envisagé comme un lieu à filmer. Sans en jeter celles et ceux qui en ont fait l’âme.

 

 

INTERVIEW – Le chorégraphe Amael Mavoungou met en scène son impossible deuil dans « Les larmes du ventre »

ENTRETIEN – Le chorégraphe et danseur Amael Mavoungou, 35 ans, originaire du Gabon,  a été initié au rite bwiti. En tant que tel, il lui a été interdit de pleurer la mort de son enfant. Avec Les larmes du ventre, spectacle catharsis, il questionne la place de certaines traditions aujourd’hui. L’Afro l’a rencontré lors d’une représentation au centre Ramdam à Lyon.

C’est l’histoire d’un homme qui a perdu son fils peu de temps après sa naissance, qui ne peut pas laisser couler des larmes ni savoir où le petit est enterré, dues à ses traditions et à celles de la mère du bébé. Amael Mavoungou fait sa catharsis dans sa proposition artistique que nous avons pu découvrir en mars dernier au centre culturel Ramdam à Lyon qui soutient son projet.

Comment avez-vous commencé la danse ?

J’ai commencé en 1998 au Gabon, dans une troupe traditionnelle. Le chorégraphe avait déjà une démarche contemporaine avec atelier de recherche chorégraphique, on pratiquait presque toutes les danses traditionnelles. On créait des pièces pour les présenter au centre culturel français devenu Institut français. Je voulais apporter autre chose aux danses traditionnelles, faire ça à ma sauce. Avec un ami, comme on était contraint de rester avec la même troupe et qu’on voulait faire un peu autre chose, on a créé la compagnie Mbolo’h et un spectacle qui s’appelait Espoir, parlant du monde traditionnel et du monde moderne. On l’a présenté lors d’un événement et c’est là que j’ai senti que j’avais des lacunes par rapport à d’autres. J’ai également été formé au Sénégal au Sénégal, en 2008 et en 2009. Je voulais emmagasiner des connaissances, aller à la rencontre de ce que je ne connaissais pas. Je suis ensuite arrivé en France en 2011. J’avais rencontré quelques années plus tôt Sylvain Benenet, associé à la formation de danse contemporaine d’Angers. J’y suis resté deux ans, le temps de faire mon master. C’est pendant la formation que j’ai créé le spectacle. J’ai finalement décidé de rester en France et obtenu un titre de séjour compétence et talent, pour la création d’un projet utile à la France et à mon pays, le Gabon. J’ai fait ce choix pour continuer à travailler professionnellement. Les conditions de travail au Gabon ne me plaisait pas, les autorités négligent les artistes, ne mettant pas à leur disposition des structures et des espaces nécessaires. Le seul lieu disponible est l’Institut français qui est une structure française qui permet aux habitants gabonais de découvrir la culture française.

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Amael Mavoungou dans « Les larmes du ventre »

Pouvez-vous présenter votre projet « Les larmes du ventre » ? Combien de temps a-t-il fallu pour le mettre en place ?

Ma démarche artistique est très ancrée dans le social. En première année de master, j’avait écrit un premier spectacle, « Le piment dans les yeux », un spectacle qui parlait sur les hommes politiques gabonais. J’avais pris une claque car il n’avait pas été bien reçu. Lors de ma première prestation, je pense que j’étais trop en colère et la scénographie était prenante ; je dansais pendant 25 min avec un sac plastique sur la tête, c’était trop violent pour le public qui a pris de la distance. Je devais ensuite proposer un autre projet. C’est là que j’ai décidé de parler de mon fils que je n’ai pas pu pleurer, comme je suis initié au rite Bwiti. Il y a une autre forme de lamentation, des larmes que j’ai fait couler dans mon ventre. Pleurer mon enfant remet en question l’idée selon laquelle les hommes ont du mal à pleurer, à montrer leurs émotions. Pour certains, un homme qui pleure est un signe de faiblesse mais je ne suis pas d’accord. Les femmes qui arrivent à pleurer sont fortes, arrivent à assumer. Ne pas arriver à assumer est justement faire preuve de faiblesse. Je ne sais pas où mon enfant a été enterré, parce d’après les traditions du peuple de mon ex-compagne avec qui j’avais eu le petit, l’homme ne doit pas savoir où l’enfant est enterré et ça me coûte encore aujourd’hui. À chaque fois que je joue ce spectacle, c’est comme si je l’enterrais, avec la pierre que je déplace sur la scène. « Les larmes du ventre », c’est remettre en question les traditions, se demander ce qu’elles apportent à l’humain, si, avec le monde qui évolue, certaines valent encore la peine d’exister. Je danse bwiti comme mon grand-père l’a fait mais pas exactement de la même manière. Le but des traditions est de pouvoir s’épanouir mais ne pas pouvoir pleurer son enfant ne le permet pas. Je trouve qu’il y a des choses qu’il faut gommer.

Au moment de la présentation de la première version- qui durait cinq minutes- je me suis mis à pleurer et je n’ai pas pu présenter dans l’immédiat. Mais ça m’a aidé, si je n’avais pas pleurer, je pense que je n’aurais pas pu le présenter du tout le soir. J’ai continué à travailler le spectacle puis j’ai eu une résidence à Pantin.

Le centre Ramdam de Lyon m’a permis de pouvoir continuer à le travailler en me soutenant financièrement et en laissant y avoir des résidences. À la fin des résidences, je savais où je voulais aller mais je sentais qu’il manquait une pièce au puzzle. Je suis allé au Gabon pour discuter avec la mère du petit deux ans après pour savoir comment elle avait vécu tout ça. Là, j’ai compris qu’il me fallait son point de vue, en tant que mère de l’enfant. Elle m’a dit qu’elle avait peur d’oublier mais qu’elle voulait passer à autre chose car elle avait eu un enfant entre-temps. À mon retour, j’ai intégré son point de vue à mon projet. J’ai aussi travaillé avec des femmes car le matériau chorégraphique part du bwiti, les hommes étant initiés d’une manière et les femmes d’une autre, chacun ayant sa propre danse.

Qu’avez-vous appris auprès des femmes initiées ? Avez-vous également parlé à des ancien.ne.s ?

Dans le cérémonial, j’ai discuté avec les femmes initiées au Nyembè mais elles n’expliquaient pas le fond.

Dans ce rite initiatique, il y a un rapport de force mais ce sont les femmes qui sont à la source de tout cela et les hommes jouent au coq.

Les pas de danse des femmes sont plus compliquées car plus subtiles plus viscérales et ça fait encore plus travailler en fait ce sont elles qui travaillent plus que les hommes alors que pour les hommes, c’est plus les muscles qui sont mis en avant. Et là, je me demande, qu’est-ce qui définit la force ? C’est avoir un phallus ? On dit que les femmes sont plus faibles mais ce n’est pas le cas, on les voit travailler beaucoup en Afrique notamment.

J’ai aussi discuté avec des hommes. Certains disent que pleurer attire le malheur. Moi, je fais la part des choses, c’est moi qui suis au centre donc au final, je vois ce qui m’épanouis ou pas. Avec mon background culturel et mon expérience, j’ai du négocier pour ne pas les frustrer et attirer leur attention, car ils sont aveuglés par les us et coutumes.

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Amael Mavoungou

Comment avez-vous construit le spectacle ?

Au tout début, j’étais parti dans une improvisation, inspirée de souvenirs, d’image qui me parlaient et que j’essayais de mettre en scène. Mais les discussions au Gabon ont fait que le spectacle est devenu autre chose. Partir de mes danses traditionnelles pour les emmener vers un langage universel : comment en faire quelque chose d’accessible pour ceux qui ne connaissent pas, c’est le but. Il s’agit d’un conte initiatique où la négociation se fait avec la voix car je parle et je chante en langue loumbou pendant le spectacle. C’est une façon d’accrocher le public à qui je laisse également un espace pour imaginer ce qu’il veut.

Où est-ce que vous vous situez entre vos traditions et votre vie ici en France ?

Je suis universel et international. J’arrive à prendre ce qui est essentiel pour mon épanouissement, notamment l’amour. C’est ce que veut transmettre le bwiti. Mais quand on exclut les femmes, ça ne m’intéresse pas. Ce qui est réducteur, l’ego, je n’y prête pas attention. On discute mais si je trouve que c’est machiste, je n’approuve pas mais je respecte l’expérience et le vécu de la personne en face de moi. Je pense qu’il faut laisser chaque génération faire son expérience pour avancer aussi. Il faut laisser les gens vivre, arrêter d’essayer de tout contrôler.

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Amael Mavoungou

Pouvez-vous traduire quelques chants que l’on peut entendre dans le spectacle ?

Au début du spectacle, ce sont des paroles de bienveillance. J’estime que je ne suis pas seul sur scène, que l’espace où je joue a une entité. Ensuite, je rentre dans le bwiti, ça parle de la nature, de l’humain dans son quotidien, ce sont des paroles aussi de douleur dites à mon enfant, que même s’il est parti, je sais qu’il est là ; son corps est parti mais son énergie est toujours là. Je lui dis que j’accepte, que j’ai lâché prise. J’ai prêté serment et je ne peux pas tout expliquer car la connaissance se transmet et je ne peux pas la transmettre à tout le monde.

Votre sœur est venue voir ton spectacle à Lyon. Qu’en a-t-elle pensé ? Vous en avez discuté ?

Oui, elle m’a dit qu’elle ne savait pas que j’avais autant souffert. Il n’y a pas de nom pour désigner un père qui perd un enfant, pareil pour une mère. Parce qu’humainement, on considère que ce sont les jeunes qui enterrent les plus âgés. Passer aux « Larmes du ventre », ça m’a permis de me concentrer sur moi et de me soigner.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Mardi 20 juin, dans le cadre du festival de Marseille,  je joue dans le spectacle « Samedi Détente » de la chorégraphe Dorothée Munyaneza autour du génocide du Rwanda qu’elle a vécu.

À part cela, en ce moment, je veux transmettre car on parle beaucoup des danses d’Afrique de l’ouest mais il y a une méconnaissance de celles d’Afrique centrale.

Je prépare aussi un nouveau spectacle sur pourquoi et comment les gens donnent leur vote à des politiques qui font que du blabla, la considération de l’humain à la chair alors que des candidats sont prêts à effectuer des décapitations, à utiliser des gri-gris humains en croyant que cela va leur donner plus de pouvoir et leur permettre de devenir les plus grands orateurs.

Pour suivre les actualités d’Amael Mavoungou, rendez-vous sur le site de l’association L’art(sans)frique

 

#mediasfrotalk : Blog vs média ?, financement et plagiat… Tout ce qui s’est dit le 22 avril ou presque est là ;)

Negronews, Cité Black, Blackbeautybag, Les Docs Afros… Les fondat.eur.ice.s et rédact.eur.ice.s en chef de ces sites internet, blogs ou magazine ont accepté notre invitation à débattre sur la question des médias afro le samedi 22 avril, veille du premier tour de la présidentielle en France. Une question tellement riche et complexe qu’il aurait fallu au moins 24h pour aborder la plupart des enjeux.

Depuis longtemps, nous voulions réunir différents act.eur.ice.s du secteur pour initier une discussion sur cette « niche » qu’est le média afro. Depuis le lancement de L’Afro, fin octobre 2015, à vrai dire. Car en tant que journalistes, la réflexion sur le rôle et le fonctionnement des médias est perpétuel. Et avant même de se poser la question du média afro en tant que tel, encore faut-il définir ce qu’est un média tout court, qu’on appelle également « 4ème pouvoir ». Ce que l’ensemble des intervenant.e.s s’accordent à dire, peu importe la ligne éditoriale de leur média,  c’est qu’iels ont lancé leur plate-forme d’information parce qu’il ressentait un manque dans les médias mainstream. Mais pour autant, les médias afro font-ils la différence ?

Cette discussion s’est faite en 3 temps.

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De gauche à droite, Sarah Kouaka (rédactrice en chef chez NOFI) et Hortense Assaga (fondatrice de Cité Black et journaliste chez Africa 24)

Les médias afro ont une histoire. Certains, à l’instar du magazine Amina, existe depuis plus de 40 ans, d’autres ont suivi, existent toujours aujourd’hui, ont disparu, sont revenus : Grioo, Afrobiz, Chocolate…, la liste est longue. Pour ouvrir cette soirée, nous avons donné la parole à une des femmes qui a contribué à écrire cette histoire, Hortense Assaga, journaliste officiant aujourd’hui sur la chaîne de télévision Africa 24. Elle a retracé une partie de son expérience de fondatrice et rédactrice de Cité Black tenu pendant 8 ans depuis 2000, la construction du magazine qu’elle a bataillé à faire rentrer puis rester dans les kiosques, selon ses conditions. (on l’avait d’ailleurs interviewée à ce sujet en 2015 dans notre dossier « Femmes noires dans l’audiovisuel »).

À ses côtés, Sarah Kouaka, rédactrice en chef de NoFi; elle a évoqué notamment la problématique du modèle économique. 

À l’origine une marque de Tshirts Noir & Fier, NoFi est devenu une marque tout court à 360°, constituée d’un média, d’une association et d’une agence de communication destinée à aider des entreprises, -pas nécessairement afro-, à cibler un public afrodescendant pour qu’elles puissent leur vendre leurs produits.

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De gauche à droite, Adiaratou Diarrassouba (co-fondatrice de L’Afro) et Sarah Kouaka

On retiendra ici la complexité de faire vivre financièrement parlant et ce, de manière durable, les médias en général ; cette question n’épargne pas les médias mainstream, eux-mêmes bien souvent obligés de faire appel à des investisseurs ou de se faire racheter par de riches banquiers ou entrepreneurs pour subsister.

L’impact de ces médias afro dans la société, c’était l’objet du second temps de la soirée. On est notamment revenu sur la polémique du magazine Elle et son article de 2012 sur la « blackgeoisie », qui aurait découvert le style grâce à Michelle Obama, soulignant qu’avant elle, les Noir.e.s ne savaient pas s’habiller. À l’époque, l’affaire avait fait un tollé, des afronautes en nombre avaient tenu à faire entendre leur colère sur les réseaux sociaux. Une colère partagée par Danielle Ahanda, fondatrice du webzine Afrosomething et du blog BestofD, et sa sœur Patricia qui ont interpellé la rédaction, puis y sont allées pour discuter face caméra avec deux journalistes. Les coulisses de cette vidéo sont beaucoup moins apaisées que ne le montrent les images, a souligné la protagoniste. De ce coup de griffe, mis en scène par la rédaction du magazine, reste une plus grande place faite aux mannequins non-blanc.he.s, constate Danielle ; un sentiment qui n’était pas partagé par toute la salle.

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De g. à d. : Dolores Bakèla, co-fondatrice de L’Afro, Danielle Ahanda, fondatrice d’Afrosomething, Regis Mutombo Katalayi, fondateur de Negronews et Pierre Désiré Cras, co-fondateur des Docs Afro

Nous avons eu la chance de pouvoir revenir sur cet épisode avec Danielle Ahanda, qui est intervenue aux côtés de Régis Mutombo Katalayi, le rare créateur de Negronews et Pierre Désiré Cras, co-fondateur des Docs Afros. Un plateau particulièrement éclectique : la première est blogueuse, le second, informaticien de formation, le dernier, historien. Aucun n’est journaliste. Pour autant, font-iels fi des règles de déontologie journalistique, essentielle pour les fais.eur.se.s d’information ? Comment le gèrent-t-iels ? Regis Mutombo Katalayi a lancé la page Negronews sur Facebook en 2012, en y relayant exclusivement des articles écrits par d’autres, sans produire de contenu original, dans le but de transmettre des informations qu’il estimait inconnues et indispensables à faire connaître à la « communauté ». En 2015, il affirmait ne relayer plus que 50% d’articles écrits par d’autres médias et 50% de contenu original. La donne est différente pour Pierre Désiré Cras, historien spécialisé dans l’histoire africaine-américaine ; il propose à l’inverse, -avec la co-fondatrice et également historienne Narcy Malanda-, 100% de contenu original sur le site Les Docs Afros, qui a également commencé sous forme de page Facebook. Il explique que sa page a été victime de plagiat de la part d’autres pages ou sites qui ont repris tout simplement en copié-collé du contenu, sans citer la source, ce qui est une règle de base, bien connue des journalistes et des chercheu.r.se.s.

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Danielle Ahanda et Regis Mutomno Katalayi

L’affaire Cais, petit garçon dont les parents soupçonnaient à l’époque qu’il avait été violé par un personnel de l’école, est également évoquée par Danielle Ahanda, suite à un article problématique au niveau de l’éthique liés à son traitement par une rédaction afro. Une manière de dire que même un sujet touchant un membre de ladite communauté peut-être mal traité par un.e membre de ladite communauté travaillant pour un média de ladite communauté, qu’iel n’échappe pas forcément aux travers reprochés aux médias traditionnels, dont le public se méfie de plus en plus. On reproche souvent aux afros – et nous sommes bien placées pour le savoir, l’ayant entendu dans des rédactions mainstream- la question de la distance par rapport au sujet traité. Plus on serait proche du sujet à traiter, moins on serait objectif, l’objectivité étant la qualité la plus souvent mise en avant pour faire un.e bon.ne journaliste. Ce type de raté, évoqué par D. Ahanda, viendrait faire écho à cette affirmation. Vaste champ.

Autre sujet qui a échauffé le public : la question de la solidarité entre médias afro, évoquée par le responsable de Negronews.

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Fatou N’diaye de Blackbeautybag et Mariam Ndour de Djiguene

On a consacré le dernier moment de la soirée aux blogs. Vu comme certains d’entre eux sont suivis, on s’est demandé si on pouvait les considérer comme des médias à part entière. Pour l’occasion, Fatou N’Diaye de Blackbeautybag et Mariam Ndour de Djiguene sont venues en discuter. L’une, 40 ans, écrit sur la beauté depuis maintenant 10 ans et le dit haut et fort : son travail est différent du journaliste. L’autre, 25 ans, écrit sur l’Afrique depuis 1 an. Avec Fatou, qui travaille avec différentes grandes marques de luxe dont L’Oréal, on a abordé la question de l’indépendance quand on est lié à des marques. La blogueuse dit pouvoir choisir d’accepter ou de refuser les contrats proposés, que son caractère lui a permis de s’imposer sur la durée, de la rendre visible dans la sphère afro-française ; ses recommandations auraient même permis à d’autres femmes noires d’être embauchées par de grands groupes. Connue pour son franc-parler, elle a tenu à rappeler combien les fantasmes entourant le fait d’être blogueuse étaient importants. Elle a également fustigé la notion d’influenceur.se, arguant que tout le monde décrétait en être un.e et a évoqué, entre autres, l’achat de followers, décrédibilisant les personnes s’y prêtant auprès de grosses entreprises au fait de ce type de pratiques.

Pour Mariam Ndour, le blog Djiguene est un lieu de relais d’informations sur des initiatives autour de l’Afrique pour valoriser et donner une autre vision du continent. Parlant du printemps africain, qui fleurit dans bon nombre d’institutions parisiennes, Mariam a parlé de son travail, amorcé depuis quelques années vs l’intérêt récent pour le continent et le choc entre les deux. Dans les deux cas, la relation au public est différente. Ce qui conclut la soirée et ouvre le sujet : finalement, à qui ces médias s’adressent-ils ?

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Nous ne sommes pas sûres qu’il était possible de répondre à cette vaste question en trois heures. Les intervenant.e.s , venu.e.s de différents horizons, avaient beaucoup de choses à dire, et qui n’allaient pas forcément dans le sens du vent. Le fonctionnement des médias afro a pu cependant être abordé, dont les entités administratives même posent question ; avant même de pouvoir répondre à cette question, il était important de présenter l’écosystème dans lequel naissent et se développent ces médias.

Nous nous réservons la possibilité de revenir sur tout ce qui s’est dit et d’aller plus loin, une prochaine fois, avec vous, on l’espère 😉

DÉBAT- À la rencontre de NOFI, Africa 24, Blackbeautybag et d’autres le 22 avril… VENEZ NOMBREUX.SE.S #mediasafrotalk

Les medias afro, intriguent, posent un certain nombre de questions. Pour notre septième débat, nous souhaitons donner la parole, aux chercheur.se.s, blogueuses, journalistes et autres acteur.ices de ces plateformes, magazines à la veille des élections présidentielles, oui, il faut qu’on parle !

Rendez-vous le samedi 22 avril à la Librairie des Orgues dans le 19ème arrondissement de Paris pour notre #mediasafrotalk

Pour prendre une place, cliquez ici >> bit.ly/2oF54OZ << PLACES LIMITÉES

Tarifs :

7€ :  boisson incluse (soft, bière, vin)

5,50€ : boisson incluse tarif réduit sur justificatif (précaires, étudiant.e.s, chômeur.se.s)

12€ : offre duo valable pour deux personnes, 2 boissons incluses

Déroulé de la soirée

19h : Qu’est-ce que les médias afro ? Quel est l’intérêt de leur existence en 2017 ? Et vous, lecteur.ices, que cherchez-vous quand vous en lisez ?

Avec Hortense Assaga (Africa 24), Sarah Kouaka (Noir et Fier)

20h : pause

20h15 : Féminin “ethnique”, news “noires”… Comment les médias afro, lancé parfois par des non professionels, font évoluer la société… ou pas

avec Danielle Ahanda (Afrosomething),  Régis Mutombo Katalayi (Negro News), Pierre-Désiré Cras (Les Docs Afro)

21h15: Les blogs, nouveaux médias à part entière ? On les dit plus libres que les médias traditionnels, ou, dans d’autres cas, trop proches des marques. Qu’en est-il vraiment ?

Avec Fatou N’Diaye ( Black Beauty Bag), Mariam NDour (Djiguene)

Nos invités 

Sarah Kouaka
Sarah Kouaka, rédactrice en chef de NOFI
Hortense Assaga
Hortense Assaga, journaliste chez Africa 24, fondatrice du magazine Cité Black
photo Danielle Ahanda
Danielle Ahanda, fondatrice du site Afrosomething et créatrice du blog BestofD
Photo interview copie
Pierre Désiré Cras, co-fondateur du site Les Docs Afros
Regis Negronews
Regis Mutombo Katalayi, responsable de NegroNews
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Fatou N’Diaye, fondatrice du blog Blackbeautybag (© Yves Saint Laurent)
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Mariam Ndour, fondatrice du blog Djiguene