INTERVIEW – Christian Dzellat, co-fondateur du journal Negus : « On voulait l’appeler ‘Niggaz’ au début »

ENTRETIEN – Le journal Negus, créé par Jonathan Zadi et Christian Dzellat dans un esprit For Us By Us a fait une apparition remarquée dans les kiosques en France l’été dernier. L’Afro a interrogé Christian Dzellat pour parler du mensuel dont le second numéro est sorti ce jeudi 3 novembre.

[Mise à jour : le numéro 2 devait sortir le vendredi 28 octobre mais ce ne fut pas le cas comme l’explique un post Facebook publié par les équipes de Negus qui ne donne pas d’informations précises, tout comme le co-fondateur Christian Dzellat, joint par L’Afro. Le journal a depuis atterri dans les kiosques.]

Soutenu par des personnalités comme Kery James, Claudy Siar, Tonjé Bakang ou encore Dieudonné (critiqué par certain.e.s),  Negus a fait parler de lui sur les réseaux sociaux avant même son arrivée dans les points de vente. La stratégie de communication mise en place par l’équipe , celle de miser sur l’engagement d’une communauté dévouée à la cause noire fonctionne. Ainsi les internautes se sont pris.e.s en photo, le numéro dans les mains. Le journal se revendique héritier de L’Étudiant noir, fer de lance du mouvement de la négritude. On a parlé avec l’un des fondateurs, le médiatique Christian Dzellat.
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Comment est né NOFI – Noir et Fier-

Tout a commencé avec la création de la marque Noir et Fier en 2004. On a fait imprimer ces mots sur des t-shirts. On était 5 au début, on est depuis devenu un réseau d’une centaine de personnes liées de près ou de loin au concept. En 2014, on a décidé de créer le site NOFI.
Et le journal Negus ?
Negus est né de la rencontre avec Jonathan Zadi. Il évolue dans le milieu de la presse depuis quelques temps et a créé le magazine All eyez on me. En partant du constat qu’en France, à part des magazines beauté, il n’y a aucun journal avec un ton libéré, décomplexé, sans tabou et avec une vision panafricaine, on a décidé d’y remédier.
Avant cela, aviez-vous pensé à une publication papier chez NOFI ?
On pensait plutôt à un magazine. C’est Jonathan qui a eu l’idée d’un journal.
Pourquoi avoir choisi ce nom ?
Au début, on voulait l’appeler « Niggaz » parce qu’on est fans de Tupac tous les deux. Et ce rappeur utilisait beaucoup ce terme, péjoratif à la base, mais qui a été repris pour parler des gens qui peuvent changer les choses. Après des retours négatifs et de la réflexion, on a opté pour un nom plus subtil pour faire l’unanimité, rassembler et ne pas avoir à se justifier. On a discuté avec un certain nombre de personnes pour tomber d’accord sur Negus, qui désigne les anciens rois d’Éthiopie.
Comment avez-vous choisi les sujets traités ?
Pour le numéro 1, on a voulu cristalliser toutes nos affinités (sic). Il était par exemple important pour nous de parler de la mort de Mohamed Ali survenu avant le bouclage parce qu’il nous a beaucoup inspiré. Pareil pour la mort d’Afeni Shakur, la mère de Tupac ; en plus, on n’a vu aucun article. On a choisi d’écrire sur le parcours de Booba, avec qui on a parlé de noir à noir parce que ça manque, celui de Kemi Seba qui représente le yin et le yang pour nous, ainsi que celui d’un jeune graphiste pour montrer que les Noirs ne sont pas seulement bons en sport ou en chant. Il y a également une BD avec un super héros noir.

Quel est l’esprit du journal ? Et la cible ?

L’esprit est panafricain et on s’adresse aux Noirs.
Et que dire aux Noir.e.s qui ne se reconnaitraient pas dans ce ton et l’esprit panafricain dont vous parlez ?
Le panafricanisme est en nous, même si on ne se reconnaît pas dedans parce que tout vient de là, c’est la base de la communauté. Les Antillais, les Noirs américains, les Noirs français que nous sommes, nous venons tous d’Afrique. Le panafricanisme n’est pas une religion, on ne cherche à convertir personne mais il permet d’apporter une autre compréhension du monde et de parler de sujets d’une manière différente comme pour le Franc CFA parce qu’on n’a qu’une seule lecture en France. Mais comme je le dis souvent, être Noir ne suffit pas.
Vous décrivez Negus comme un « projet révolutionnaire. » C’est un peu fort comme terme,  non ?
C’est du marketing. C’est peut-être un peu fort mais en même temps ça l’est vu l’engouement que ça a l’air de susciter. D’après notre distributeur, c’est le journal qui a connu le meilleur démarrage de l’année, avec 20 000 exemplaires vendus en deux mois. On est distribué au niveau national, on va bientôt l’être aux Antilles et on travaille pour l’être en Afrique. Ce projet est révolutionnaire parce qu’on n’a jamais vu dans un même journal Kemi Seba, Booba, la question du nord-Kivu au Congo, en passant par le cinéma français noir et une bande dessinée. Donc Negus a comblé un vide en kiosque où on ne trouve que Miss Ebène et d’autres magazines de ce genre sans les critiquer. Il n’y a presque rien de disponible à part Le Figaro, Technikart ou Society dans lesquels on ne se retrouve pas.
Le journal s’intéresse beaucoup aux États-Unis et à l’Afrique. Et la France dans tout ça ?
Dans les 3 parcours, on a interrogé des Français. Mais tout ce dont on a parlé est rattaché d’une façon ou d’une autre à la France. On a voulu viser large et si on s’était cantonné à parler de la France (pause). Disons qu’il faut rêver.
La France ne fait pas rêver, donc ?
Pas encore ! Elle a tout pour faire rêver mais une partie de la population est bâillonnée.
On a un problème de connexion avec les autres communautés dans le monde. Si les Noirs américains pouvaient soutenir tous les projets d’ici, il y aurait une vraie puissance. D’ailleurs, Tonjé Bakang qui a créé Afrostream a trouvé son argent aux États-Unis, je ne dis pas que tous les financeurs étaient des hommes noirs mais ce qui est sûr, c’est qu’il est allé les chercher aux États-Unis. Et là on le soutient automatiquement. Je parle des États-Unis mais c’est la même chose avec l’Afrique.
Vous avez prévu des connexions avec d’autres médias ?
Ca ne sert à rien d’en faire pour le moment quand on n’a pas de poids avec des médias qui n’en n’ont pas non plus. Pour le moment, on essaie d’avoir une réelle influence ; on est au début d’une aventure.
(Source photo : page Facebook Negus)

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